Cette semaine, le texte de Christine Gastaldo à partir de l’appel à écriture de Françoise Khoury issue du livre d’Eric Chevillard, « Le désordre Azerty » (Minuit, 2014).
Amène bouleversement
« C’est une personne pleine d’aménité » avait-il dit à mon sujet. Alors, j’ai tout de suite aimé ce mot comme tous ceux qu’il prononçait d’ailleurs, comme tous les avis qu’il émettait, comme toutes les décisions qu’il prenait. Oui, j’aimais tout chez cet homme, sa faconde, sa gestuelle, sa voix, ses éclats de rire, son sourire et même ses petitesses ou ses colères. J’aimais sa façon de s’exprimer dans une langue originale, parfois très « branchée », parfois légèrement surannée ou opaque.
Alors ce mot aménité, je l’ai reçu comme un cadeau. Aménité, c’est un mot léger, comme une rêverie, doux comme une caresse. C’est un frôlement, une trace parfumée, un sourire esquissé, un intérêt furtif, une promesse évanescente… J’y ai entrevu son âme, ses forces et ses fragilités.
« Ah non, moi, je déteste ce mot ! On entend Amen ! » Marie me ramène sur terre, dans un autre univers ! Amen ! Celui de la soumission, de la dévotion, de l’acceptation passive, de l’aveuglement peut être. Amen !
Me voilà toute retournée, perplexe, contrariée, attristée, bouleversée. Bouleversée en voilà un mot qui ne mérite pas son contenu ! Comment être bouleversée par l’équilibre de ces quatre syllabes si sages, si propres sur elles, si stables avec ce E au milieu, incongru. Je regrette, je m’offusque, je m’insurge. Moi, je suis tout simplement boulversée. J’assume. Je suis défaite par l’annonce de cet amour mort-né, désarçonnée par cette perfide estocade. Je suis comme un culbuto, simplement boulversée !
Christine Gastaldo