Aujourd’hui, voici le texte de Claire Le Goff en réponse à l’appel à écriture d’Alain André à partir du livre de Emmanuelle Berheim « Tout s’est bien passé ».
Je suis à la 4A, près du hublot.
Regarder dehors, j’aime bien.
Au décollage, l’adrénaline.
Bientôt on me demandera si je veux boire quelque chose, manger sucré ou salé, je n’ai pas faim.
Pas faim, merci.
Boire quelque chose, oui, une eau peut-être, de l’eau, vous avez ? Pétillante, peut-être. Non, plate, plutôt. Plate, plate, merci.
L’hôtesse au chignon bas fait de tout petits pas. Yeux bleus délavés, menton dessiné, sourire, fossette.
Soudain, ça me revient, ta pensée, votre pensée.
Cent fois par jour réapprendre ce qui s’est passé.
Bientôt il y a les masses cotonneuses au-dessous de nous. Etre au-dessus, c’est un peu fou, on flotte un peu. De toute façon, nuages ou pas, on flotte un peu dans ces cas-là. Point de réalité.
Plus haut, les strates à traverser, mauves et bleues, coupées de stries dorées : le soleil qui fusille au loin, qui achève de nous achever.
Le monde, c’est ce soleil braqué, auréolé de vapeurs d’on ne sait quelles couleurs inventées pour nous perdre.
Et c’est aussi cela : toi qu’on célébrera demain, pour un adieu.
Je sors Eluard de ma sacoche, comme une orange dans ma poche, où je suis enfermée.
Capitale de la douleur. Je lis un peu.
De la douleur.
La vie, c’est ça, et c’est ça.
Un bel oiseau me montre la lumière / Elle est dans ses yeux, bien en vue / Il chante sur une boule de gui / Au milieu du soleil.
Un peu d’eau plate, merci.
Et le soleil refleurira, comme le mimosa.
Claire Le Goff – octobre 2014