Vos textes à partir de Valérie Zénatti: « Jacob, Jacob » – M. Garcin

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Photo: Betweeners

Cette semaine, vous avez été nombreux à répondre à la consigne d’écriture d’Arlette MONDON-NEYCENSAS autour du roman de Valérie Zénatti: « Jacob, Jacob » (Éditions de l’Olivier, 2014). Nous avons sélectionné huit textes que nous publierons sur deux semaines consécutives. Voici celui de Michelle Garcin.

Au seuil de la vieillesse Luce découvrit les joies et les affres de la maternité

Jürgen avait toqué à la porte – sa mère avait fini par parler, il avait fait des recherches, pris le train puis le bateau, venait se présenter – il fallut admettre que c’était bien le fils, ignoré ou tu, de son époux, Pompée, que celui-ci avait fait par mégarde à une Grete au cours de ses mois de STO ; Luce qui avait avalé le refus de la vie de lui donner un petit, la satisfaction égoïste de Pompée d’être ainsi son seul objet d’attention, considéra son ventre plat, ses seins asséchés qui n’avaient jamais été fontaine, en regard de ce bel homme vigoureux, aux grandes mains, à la vitalité heureuse, et ce ne fut pas la trahison qui lui mit les larmes aux yeux – elle était bien trop modeste – ce fut le et si… la porte des possibles ouverte et refermée dans le même temps ; ne s’étant autorisée jusque-là qu’à imaginer la vie palpitante des autres, ces voyageurs qui débarquaient des ferrys, elle se prit à rêver pour elle, à ce qu’aurait pu être sa vie de mère ; caressant dans l’air une petite tête ronde, elle s’émerveillait, si elle avait eu un garçon, n’aurait-elle pas tricoté ce mignon bonnet, cette fossette ne se serait-elle pas épanouie pour elle, il aurait eu la rougeole – ah ! combien de nuits de veille – elle lui aurait montré la lune, les fleurs, la féérie des bulles de savons, il y aurait eu les goûters, les livres à recouvrir, la leçon apprise à deux, les rubans bleus des fleuves sur les cartes, le participe passé, plus tard il serait allé au lycée, elle aurait été fière de ses notes, l’aurait écouté sans comprendre parler de physique, de philo, il aurait grandi, elle n’oserait plus pépier de petits mots doux au creux de son oreille, bientôt il passerait son bachot, aurait la photo d’une Janne dans son portefeuille, elle tremblerait qu’il quitte le nid, le regarderait tourner à l’angle de la rue, sa haute silhouette vigoureuse, ses belles mains, sa vitalité heureuse…

M.G.

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