Vos textes à partir de « Une fenêtre au hasard » de Pia Petersen par Olivier Jain

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Crédits photographiques: DP

Cette semaine, en réponse à l’appel à écriture à partir du livre de Pia Petersen «Une fenêtre au hasard» (Actes Sud, 2005), à redécouvrir ici, voici le texte d’Olivier Jain.

Une fenêtre au hasard

Caché derrière la buée de la fenêtre, il ne pouvait me voir. Dans un rond finement tracé, je collais mon œil pour l’observer. Il gesticulait, balançant son bras de façon désarticulée, avec véhémence, passant sa main libre dans sa tignasse. Qui était-il ? De ma lucarne embuée sur son monde, je le soupçonnais important. Entre deux appels pendant lesquels il arpentait son salon, il s’asseyait  sur le canapé face à son ordinateur. Quelles affaires embarrassantes réglait-il ?

Je ne pouvais me détacher de cet étrange manège. J’avais l’impression que mon œil et la fenêtre ne faisaient qu’un. Un vase vola contre son mur. Il projeta une chaise au sol. Il s’arrêta face à la fenêtre et  son regard traversa l’espace qui nous séparait. J’eus l’impression qu’il m’avait vu.  Le cœur serré, je me décalai d’un pas sur le côté. Je m’aperçus que la buée s’était évaporée au fil de la matinée, si bien qu’une partie de mon visage était devenue visible.

Je me pensais démasqué et j’en étais embêté. Mais il reprit ses allers-retours sans sourciller. Par précaution, je m’éloignai de la fenêtre. L’arrêt brutal me procurait un manque. La sensation de tenir l’autre à la merci de mon regard avait été particulièrement jouissive… Je réfléchis à d‘autres stratagèmes pour l’espionner sans éveiller les soupçons. Quelle serait ma nouvelle fenêtre sur son monde ? Une paire de jumelles ? La lucarne de mes toilettes ? Un trou dans le rideau de mon salon ?

O.J.

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