Cette semaine, voici un second texte en réponse à la proposition d’écriture à partir du livre de Salman Rushdie « Josef Anton, une autobiographie » (Plon, 2012).
Olivier Martial
A poil Platon !
– Décidément, cette scène en slip pose problème…
Dans le brouhaha du public qui retourne à sa vie, à l’entrée des loges, le directeur du théâtre, homme avide et de peu de conviction, me disait qu’il serait finalement préférable que je portasse une chemise.
Nous jouions cette création depuis deux semaines. Bien que la scène n’ait aucun caractère sexuel, quelques minutes passées en slip à la sortie d’un lit choquaient plus que l’injustice de la mort d’une jeune femme innocente. Des spectateurs affirmaient que le théâtre n’était pas le lieu où montrer un corps déshabillé. Depuis peu, de vieux relents puritains viciaient l’air ambiant. L’équipe unanimement avait refusé de céder à l’obscurantisme.
Je n’avais jamais été à l’aise avec cette scène. A quarante ans, je traînais comme une croix mes complexes d’adolescent. Mes longs bras maigres, mes cuisses de poulet et mon abdomen flasque hérité d’un séjour linguistique en Angleterre où j’appris surtout à être fin saoul avant 23h30 dessinaient un corps grotesque que j’exhibais sans plaisir.
Lassé des remarques de ce bureaucrate, je tenais à clore définitivement cette discussion. Je lui racontai qu’adolescent, j’aimais bronzer sur la terrasse de l’appartement familial pour classe moyenne offrant un vis-à-vis sans concession. L’été, je m’allongeais sur une chaise longue, nu, vêtu d’une simple chaussette et pas sur un pied. La nudité ne me posait aucun problème mais par respect pour mes voisins, je ne les affligeais pas de la vue de ma stricte intimité.
Il n’en revenait pas. Craignant un débordement de ma part, il ne remit plus jamais en cause cette scène mais la guettait nerveusement depuis les coulisses. Chaque soir, son soulagement était palpable quand j’ôtais mon pantalon.
O.M.
