Vos textes à partir de Paola Pigani – Mathilde

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Photo DP

Cette semaine, voici le texte de Mathilde, en réponse à la proposition d’écriture à partir du livre de Paola Pigani « N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures » (Liana Levi, 2013) à retrouver ici.

Mon corps transparent

Le dos contre la fenêtre, réfugiée sur un balcon trop étroit pour m’y asseoir, j’inspire profondément l’air encore chaud de la nuit et ferme les yeux. J’ai laissé derrière moi, de l’autre côté de la vitre, une masse de filles et de garçons hilares, le corps ondoyant dans le mouvement nerveux des spectres lumineux. J’ai vu leurs silhouettes floues et cotonneuses, perdues dans le brouillard léger des fumées de cigarettes. J’ai vu leurs bouches déformées par les cris pour percer la musique assourdissante. Les têtes renversées en arrière, dans un rire forcé, brutal, hystérique. Les bouteilles à terre, les verres brisés, les assiettes pleines abandonnées. Quelques couples outrageusement enlacés, derrière une porte, au fond d’un canapé, galvanisés par le spectacle qu’ils nous offraient.

On frappe au carreau ; le visage de l’amie qui m’a introduite dans cette fête où je ne connais personne surgit soudain, tout près du mien. Elle fait de grands gestes avec ses bras comme dans une pantomime, articule « V-I-ENS ! », avale une gorgée de gin tonic puis se fond à nouveau dans le groupe.

Oui, il faudra bien la rouvrir cette fenêtre, pénétrer dans la chaleur lourde et oppressante du salon où ma voix s’est perdue, affronter les basses syncopées, passer devant ces gens qui ont fait semblant de m’écouter, puis m’ont oubliée, expliquer par un mensonge quelconque mon départ précipité, pour enfin fuir cette foule et ma solitude.

Alors j’attends que mon âme, mon esprit dispersés retrouvent peu à peu le chemin de mon corps devenu transparent. Et j’ouvre la fenêtre.

M.

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