Cette semaine, voici le texte de Julie Cavanna, en réponse à la proposition d’écriture à partir du livre de Paola Pigani « N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures » (Liana Levi, 2013)o «Nouons-nous», à retrouver ici.
J’ai des collants rouges en laine. Il fait chaud et ça gratte. J’ai 10 ans. Je marche pieds nus dans mes collants sur le gazon du jardin. L’herbe a été coupée ras. Parce que mon père n’aime pas quand ça pousse dans tous les sens. Ça fait désordre. Pour moi ç̧a fait campagne. Je n’aime pas qu’on décapite les pâquerettes. Mon petit frère regarde « Fantasia » pour la quarantième fois, du Nutella plein la figure. J’ai trop chaud et ma mère, qui n’est jamais en retard, n’est toujours pas rentrée. Dans une heure, j’ai mon cours de piano. Chez Monsieur Pruneau. Je n’ai pas envie de passer une heure avec Monsieur Pruneau. D’abord parce qu’il fait beau et parce que je n’aime pas ses blagues. Je devrais aller me changer avant que ma mère ne rentre. Parce que je ne veux pas être en jupe pour aller voir Monsieur Pruneau. Il va penser que je me suis faite belle exprès pour lui. Il va faire des commentaires et je vais détester ça. Il dit que je ne mets jamais de jupes. Je devrais mettre des jupes. Qui c’est qui m’habille? Les jupes, parce que c’est plus pratique pour caresser les cuisses. Je les trouve grosses. Elles prennent de plus en plus de place sur le tabouret de piano et je n’aime pas ça. Maman est grosse. Quand elle essaye des maillots devant moi, elle rentre son ventre si fort qu’elle ne peut plus respirer.
J.C.