Voici le texte de Danièle A., en réponse à la proposition d’écriture d’Alain André, à partir du livre de Patrick Modiano « L’herbe des nuits » (Gallimard, 2012).
Nostalgie
Je n’ai pu m’empêcher de retourner dans le quartier excentré de Nice où j’avais aimé pour la première fois. J’ai refait le trajet qui avait été le mien lors de nombreuses vacances. J’avais appris la mort d’Armand et je voulais revoir les lieux où nous avions vécu des moments heureux.
J’ai remonté l’avenue de la Victoire, elle s’appelait Jacques Médecin à présent, je me suis frayé un passage à travers la cohorte de touristes qui descendaient vers la mer ou s’agglutinaient pour acheter des sandwichs et des glaces. C’était déjà comme ça autrefois. Je ne cherchais pas à retrouver des témoins du temps passé, nous avions gardé notre liaison secrète et y avions mis fin depuis longtemps. Je m’étais mariée, j’avais eu des enfants, j’avais divorcé. A la hauteur de la gare, le troupeau de touristes était devenu moins compact. Des bars-tabacs et de petites boutiques avaient remplacé les magasins chics du bas de l’avenue. J’ai emprunté une rue sur la gauche. La boutique d’Armand était en travaux, complètement vide. Le grand comptoir en bois massif où il mesurait et coupait ses tissus avait disparu, le sol était recouvert d’une poussière blanche. Une vitrine était occupée par une immense photo, celle d’un jeune-homme nu à plat ventre sur une moto. J’y ai vu un ultime clin d’œil d’Armand et j’ai souri.
Danièle A