Cette semaine, nous publions six textes en réponse à la proposition d’écriture de Solange de Fréminville à partir du roman de Patrick Modiano « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier » (Gallimard, 2015). Voici celui de Martine Le Guellaff.
Au jeu de la Marelle
Le Monde du 24 mars 2004 titrait : « À 4 ans, elle fugue pour retrouver son amoureux ». C’était presque mon histoire plus de 40 ans après. Pour le journaliste, être amoureuse à 4 ans, c’était ça l’important ! Dans le souvenir de ma fugue, l’amour était incongru pour la petite fille que j’étais.
Là où je vivais : c’était l’enfer. Là où j’allais : c’était la promesse du paradis. À 4 ans, déterminée et sans regret, je suis partie de chez mes parents avec mon nounours et mon petit parapluie pour compagnons de voyage. Et pas question de faire demi-tour !
J’ai refait le trajet au hasard de ma mémoire. Mon point de départ ? La Garenne Colombes et le bar sordide dans lequel je vivais avec mes parents. J’ai dû parcourir 1 km. J’allais droit devant. Au jeu de la marelle, le paradis du ciel se trouvait forcément devant. J’ai revécu les trottoirs montant très haut, descendant très bas et rythmant le passage des ruelles aux rues, de l’avenue bruyante à ce carrefour puant et signant la fin de mon périple. Epuisée et terrifiée d’avoir été stoppée dans mon élan place de la liberté, j’oubliais alors pourquoi j’étais partie.
Je voulais simplement retrouver les bras de ma mamie et de mon grand père, mon petit « n’œuf » à la coque et un petit lit propre et frais. C’était tout ! Ce « tout » m’est revenu de plein fouet à la lecture du journal. J’ai compris combien le « rien » que je fuyais était grand. Depuis, je garde sur moi cet article soigneusement plié pour ne plus perdre au jeu de la marelle.
M. L-G.