Cette semaine nous avons sélectionné cinq textes en réponse à la proposition d’écriture à retrouver ici à partir du roman de Claudie Hunzinger « La langue des oiseaux » (Grasset, 2014). Voici celui de Viviane Pageot.
Eyjafjallajökull
Il fait encore chaud dans cet hôtel « climatisé ». Dehors, un vent du diable, le sirocco, soulève le sable, la mer est agitée.
Le groupe aussi, allées et venues en tous sens, le hall est bondé, l’Accueil assailli. Ma première expérience de guide touristique tourne vinaigre. Un homme hurle plus que les autres. Il est grand, barbu, visiblement hors de lui :
– « Madame, agissez ! Ces gens ne comprennent rien ! C’est scandaleux ! » Sa voix monte crescendo. Les autres l’approuvent. Nous sommes en Sicile, appelée aussi Afrique de l’Italie. Depuis une semaine, je les ai sur le dos, jamais contents, râleurs, pinailleurs. L’attitude de ce malotru m’exaspère :
– « Monsieur, ces gens font leur possible, ils ne sont pas responsables de l’éruption volcanique en Islande ! »
– « Vous parlez leur langue ! Je dois absolument regagner la France, mon avion doit décoller ! »
Je l’assassine du regard. Je ne l’ai pas entendu du séjour, à peine vu… Il me chuchote :
– « Aidez-moi ! Je vous payerai… » Incroyable, je dois rêver ! Furibarde, je regagne ma chambre, apprends avec délectation que les aéroports parisiens sont fermés jusqu’à nouvel ordre. Retour dans le hall où je crie à la cantonade : « Mesdames et messieurs, aucun vol sur Paris, contactez votre agence pour un éventuel retour en province. Désolée. »
Je m’avance vers le pignouf occupé à pianoter sur son portable : « Bon retour en France, évitez d’en sortir à l’avenir ! » Sourire commercial, le métier rentre, je jubile.
V.P.