Hélène Massip vous a proposé d’écrire il y a 15 jours à partir de Je, d’un accident ou d’amour de Loïc Demey (Cheyne Editeur, 2014). Parmi de nombreux textes, il a été difficile d’en choisir 11 ! Nous les publions en deux posts différents, afin de pour pouvoir mettre en valeur l’espace dont ils ont besoin pour se déployer.
Magali François
JE TU NOUS
Je Ne sais plus Plus qui Je suis Nous Une rencontre Nous Une histoire Nous Une déferlante Vibrante envoûtante frémissante Je Sans repères Je Automate de la vie Je sans envies Je Vide Tu Un appel improbable inattendu Je Ma bouche percutée par la tienne Nous Un jeu dangereux Nous Nos sens en feu Je Guérie des blessures du passé Je Écorchée par l’attente du lendemain Je Parce que des doutes Je Le tourbillon du moment présent Je L’amour réappris à travers toi Je Redevenue femme dans tes bras Tu De nouveau homme par mes caresses Nous Une Chambre Un langage Une évidence Nous Des sentiments en partage Des contradictions Nous Une vérité Tu enveloppé de certitudes Nous Folie dévorante invincible Je Notre passion Unique Tu Mon obsession Tu Mon tout et mon moi Nous Deux cœurs Je Tu Plus rien n’existe Exceptés tes yeux ta voix tes mains Exceptés mon regard ma bouche ma peau Excepté Nous Je Parce que Tu Je Rien Tu Moi Tu Toi Tu Nous Nous Parce que deux souffles Nous Parce que deux corps Nous Parce qu’une passion Nous Essentiel Nous Fusionnel Nous Tout.
M.F.
Dorothée Chaoui-Derieux
Gare à la secousse
entre deux secousses dans la rame
nos regards se croisent
un regard – je baisse les yeux
un regard – tu clignes des yeux
entre deux rames je rebrousse
nos proies s’attardent
je me baisse – mes yeux s’égarent
ton clin d’œil par mégarde
un entre-rame secoue les deux
à la croisée des hasards
je m’abaisse – mes yeux entrent en gare
tes yeux à clin sur mon regard
je rame à la rescousse
dans le détroit de ton regard
ma garde s’affaisse – trop tard
ton camaïeu enclin à la bagarre
tes égards m’éclaboussent
chassé-croisé – c’est Trafalgar
sur moi tes yeux en retard
contre toi mes yeux en rempart
âmes secouées dans la rame
regards en porte-croix
mes yeux te quittent en gare
tes yeux me suivent – hagards.
D.C.
Odile J
Rencontre,
Je solo, trop longtemps solo,
Elle alto, altissima,
Rencontres improbables
Je la suite, elle fantaisie,
Je la trois temps, elle me contre-temps,
Je la prélude, elle m’andante avec variations,
Je la dièze, elle me bémol,
Et pourtant, résonances
Je la croche, elle me double-croche,
Je la tierce, elle me quinte,
Je la prestissimo,
Soupir, silence
Je continuo, elle allegro,
Je capriccio, elle crescendo,
Je flûte, elle fugue,
C’est la toccata,
Je contre alto, tu vivace presto,
Je vibrato, tu staccato,
Je fortissimo, tu pianissimo
Je t’arpège, tu me pizzicates,
Je te furioso, tu m’apassionata,
Je te final, tu me contre-ut
je te nocturne, tu me concertino …..
Sido et Mifa trombonisés, percussionnalisés
O.J.
Gaëlle Joly Giacometti
Je contre
il me poussière
d’un geste à l’autre,
il me continent, il me tour de guet, il me horizon
je le montagne
d’une cime à l’autre,
je le boussole, le besace, le chemin
il me pierre l’âme
au bout de l’expire,
il me nuit, me crevasse, me sel
Je ronce ses mains
il plage mes larmes
je village
il rive
J.G.G.
Christine lumineau
Encore le jour, soir d’été
sillonner routes feuillus de verdure
bordées, lumière joueuse entre les troncs,
fougères obscures, herbes frêles,
chevreuils, l’orée du bois, broutent.
Cité se diriger vers
de loin l’édifice contempler
entrer, pierres et verre, immensité du lieu, concert.
Ici rester.
Du fond, légères, vibrent sonorités, puis pleines, denses.
Je, surprise, touchée, coupé souffle.
Tout oublier, rien penser, présence.
Entre les sièges,
elles, les voir, rejoindre nous
Trio de femmes, sibylles,
montent sur scène,
vibrent leurs voix, de vives voix, polyphonie
musique de loin, entre ciel et terre.
Elle, robe bleue, chevelure rousse, tessiture colorée
Elle, tunique noire, sequins ornée, inflexion rieuse
Elle, étoffe rouge, voix rude, du vin boit, fume.
Remuements d’une mer intérieure, vertige, voltige.
Perdus repères. Trous mémoire.
Oubli temps.
Pulse ventre, serre gorge,
tête nœuds, dos frissons, pieds fourmis, pouls percussion.
Exquise brûlure.
S’emmêlent, se croisent, jouent, leurs timbres, complices,
en chœur, des histoires, seules, des mélopées.
Ouïr, comblée, corps nourrit,
elles, rien entendu, cœur qui cogne,
elles, rien su, émoi
choc d’ondes, perdu équilibre, méli-mélo,
je, muette, yeux mouillés, brume heureuse.
Debout, public.
Elles, scène descendent,
cheminent, yeux vifs qui croisent nous,
leurs voix, encore et toujours, prodigue mélodie,
se touchent leurs doigts, ronde de joie
lentement, du lieu, sortent.
Silence.
Je, doucement, quitte.
Tombée nuit, rentrer. Rien dire. Rien voir.
Encore entendre.
C.L.
Claire Cornet
Pas déjà
pas déjà
attends
pas encore
souffle plume
moi tu vers toi, vers ti, vertige je titube d’ébatitude
toute charivée, toute virécha, toute chériva du charivari
de mes ventricules fourmissantes, de ma peau qui picorette
tes mains ailées, je tremblote, je frissonnette
ivrette dans le hâvre des rêvages d’aoummmrrr
toi je moi tu les pieds qui colombe
toi je les mains moineauttes dans ton mes habits gigognes,
mes narines humottent tes boucles curry chocolat
dans les charminettes de tes yeux plumetis
je sirote ton iris qui bleuette
colibri je goulette la pralinette de ta bouche
ton bisé, ta baisance qui me balancelle à Byzance
ton bilboquet qui m’attrippe et m’étroppe
ma toupie qui piaffotte et priscotte
cosmofuckilicioustisex ! moi nous tu je toi
biscotte moi une tartinette
café toi du lait
gouttelette le miel
index miettes
billet chiffonné
taxilence
aérolarmes
tohubohu valise
tapis broyeur
portillon salé
avion hurle
pas déjà
C.C.