Cette semaine, voici le texte de Claire Eustache, en réponse à la consigne d’écriture de Françoise Khoury à partir du livre de Gérard Macé « La carte de l’Empire » (Gallimard, 2014), à découvrir ici.
Claire EUSTACHE
Tout s’est bien passé jusque là. Il n’y a pas de raison que cela change. Tu te sens bien ici dans cette ville. Tu mesures l’importance de la scène à venir. Ce n’est pas la première que tu joues ici. Tu sais que les scènes primordiales se jouent de la chronologie et pourtant sans raison tu ressens un trouble inhabituel c’est insaisissable c’est invisible comme l’air que tu respires c’est vraiment tout à fait sans raison et tu ne comprends pas ce qui se passe. Le soleil sombre rouge orangé au bout du pont. Tu fais ce qu’il faut faire, tu marches.
Mur de briques. Vitrine de verre. Lettres ciselées. Lettres formant un nom suivi d’un mot. Hampton Galery. Rien ne bouge hormis les passants. Et les véhicules. Et le vent. Et les rares nuages du ciel. Et peut-être quelques oiseaux. Toi tu fixes un mur de briques rouges et des lettres ciselées, sans bouger.
La lumière artificielle s’insinue sensuelle. Tu ne vois pas la caméra qui suit tes mouvements mais tu sais sa présence et l’œil de l’homme caché derrière. Tu te demandes si elle a pu saisir le trouble qui s’empare de toi. Un bouquet de roses rouges accroche ton regard.
C’est fait ça y est tout le monde sort. Tu vas visiter la ville tu vas oublier tu vas avoir moins peur mais en surface, seulement. Au fond tu sais. Ce n’est pas que cela. C’est plus que ça. Ce sentiment que tu as de vivre surtout d’autres vies que la tienne. Le vent se lève. La robe à bustier rouge te gêne. Rouge, encore. Tu la recouvres d’un manteau.
C.E.