Cette semaine, nous publions le texte de Claire Le Goff, en réponse à l’appel à écriture d’Alain André autour du livre de Georgia Makhlouf « Les Absents » (à retrouver ici).
Carnet d’adresses
Le garçon dont le prénom commençait par un G. apparaît à la lettre C., comme Conrad, nom de l’ami allemand chez qui il passait l’été.
Adresse notée là pour les vacances (la sienne, d’adresse, n’apparaît pas dans le carnet : rue Pablo Picasso, derrière le collège, numéro 26.)
Deux lettres envoyées, deux reçues et conservées.
Né à Ajaccio. Mère corse, père allemand.Cheveux bruns frisés. Yeux verts. Menton carré déjà pour ses 15 ans. Beau comme un chanteur de variétés. Scooter. Doudoune Chevignon l’hiver. L’été en Bavière. D’où il écrit des lettres.
La première fois que je l’ai vu, le garçon dont le prénom commençait par un G. se balançait sur sa chaise contre le mur du fond.
Se balance encore, dans le fond de mon crâne (et ça tape, parfois).
***
Aux lettres E/F, il y a André, mon professeur de piano, le premier.
Ami de la famille.
Après la leçon, me ramenait à la maison dans sa guimbarde de Camel enfumée. Ne bouclait pas sa ceinture, sauf si gendarme en goguette.
Né le jour de ma fête, 11 août. Échange de cartes à l’occasion, lui depuis la grande maison rose de Bourgogne, Bourg de Trambly, 71. C’est écrit là dans le carnet.
Encre violette effacée, mais pas la toison, blanche pour son jeune âge, qui le faisait ressembler à un poète.
Avec le temps, va, s’en est allé, après quatre années de gammes, valses et Mozart, accordéon les jours de fête.
Mes parents l’ont remplacé par une vieille bique (très sympathique).
Claire LE GOFF