En réponse à la consigne d’écriture de Sylvie Néron-Bancel (ici) à partir d’Alessandro Baricco « Mr Gwyn » (Galimard, 2014), voici le dernier texte de notre sélection, celui de Françoise Simon, écrit lors de l’atelier d’écriture à La Rochelle du 10 février 2015 « Ecrire en librairie ».
Séparation
Le froid. Le froid glacé de sa main dont j’espère une imperceptible réponse à la pression de mes doigts.
La pluie bat la fenêtre. Des arbres se tordent. Cette révolte du dehors s’imprime dans la mienne.
La nuit est proche, crépuscule d’hiver plaqué aux murs de la chambre dont il estompe les objets barbares.
Des bruits parviennent du couloir, concrets, crus, voix portées, cris, roulements de chariots, pas qui claquent au sol, renvoyés de murs en portes, de sols trop lisses en fenêtres closes.
Ils dérèglent la cadence du souffle qui là se perd, tantôt court, tantôt absent.
Des pas sans précaution qui pénètrent dans la chambre, intrusion, et intrusion de la lumière du couloir, puis s’éloignent, mêlés à des rumeurs sourdes qui, passée la porte, à nouveau explosent.
Je guette le souffle, je guette les yeux fermés, dont les paupières parfois se plissent. Comme pour dire.
La pluie jetée au carreau crépite comme un feu d’artifice, et le souffle à ce tempo se rythme, plus court, plus bref, plus saccadé.
La chaleur de ma main n’est qu’impuissance, et rien ne répond à la pression de mes doigts.
Parle-moi au bout de tes doigts…
Juste au-dessus des sourcils ces deux petites rides qui se rapprochent et se resserrent, puis s’aplanissent… Comme pour dire.
Dans la lumière du réverbère le vent plie les arbres.
Sur le lit se couchent les lueurs du dehors, rayon doux à ce visage où je crois, dans un souffle, percevoir un sourire.
Françoise Simon