Aleph a tenu sa première résidence d’écriture pour participants avancés à Royan, une semaine de février. Autour d’Alain André, écrivain et formateur, un terrain d’inspiration favorable au chantier en cours et des invitations d’écriture impromptues en résidence.
ÉPIPHANIE
Je suis dans une pièce vide. Il y a une fenêtre et du soleil. Le plafond est
loin au-dessus. Je suis assise à table, j’écris. C’est un temps infini, un
rêve de fiction. A chaque page que je tourne, à chaque page remplie
dans la solitude, les mots s’effacent, je n’arrive pas à les dire, les lire, les
murs se rapprochent petit à petit, je ne comprends pas, c’est comme un
décor, ma chaise est avalée, mon livre est arraché, la fenêtre disparaît,
je me cogne contre les murs, je voudrais sortir, il n’y a pas de serrure, je
suis plaquée contre la porte, c’est une répétition sans fin du même
geste, toujours le même sujet, toujours le même objet, moi le hamster
dans sa roue…
Je suis dans une pièce bleue. Le groupe écoute. Il y a des fenêtres et du
soleil, un chou et des secrets sur la table. Le ciel est au-dessus. Je suis
assise à table, je tends l’oreille. C’est un temps d’épiphanies. Une
femme lit, sa joue est caressée par un duveteux pinceau lumineux. Elle
lit à haute voix et sur sa joue glisse une mèche. Elle lit que l’étau n’a pas
de raison d’être, que les murs sont loin de là, que son corps est vivant là
dans le fauteuil, et de sa voix si caractéristique, elle lit à haute voix un
texte, mes mots à moi, elle dit mon corps qui a écrit, ma chair, mes os,
elle lit mon corps qui est vivant… inondé par ce soleil partagé, la joie de
l’écriture.
Véronique WILLMANN RULLEAU
Ce que j’en retiens, c’est le formidable moteur de création
que peut devenir une résidence de chantier avancé avec un groupe d’écrivants bienveillants et attentifs sur un temps limité et une structure donnés par l’intervenant.
Cela m’a permis de déplacer et de déployer dans une démarche créative un texte autobiographique et traumatique sur lequel je butais. Grâce aux retours des lectures et de l’animateur, j’ai pu ainsi découvrir et adopter une démarche de composition. Cette « grammaire » thématique et stylistique, je sais que je peux maintenant la déployer à l’infini.
Lors de ce chantier exigeant, un déclic s’est produit. Je vais pouvoir aboutir ce projet en tissant le lien avec d’autres textes restés en plan.
(Poésie, récits…) et qui sait peut-être enfin passer à autre chose…
Merci !
V.WR
INSTANT
J’en ai fini avec la douleur de l’écriture empêchée.
Mes Chantiers et moi sont revenus fortifiés,
dynamisés par le regard d’Alain et de toutes,
nourris par l’entrelacement de nos imaginaires,
charmés par les promenades au phare.
Décalée, comme après un long voyage.
Sylvie ROBY
Et la photo du parc à huitres a été prise par Sylvie Roby