Sihma

Six ans déjà

Chute silencieuse dans un éclat solaire

Jaune au plus près du jaune

Le sable du désert a recouvert

Le secret de ta chevelure d’or

Enfant hors-temps

 

Six ans déjà

Tu es tombé dans la question

Au fonds du puits qui chante

Au cœur de l’eau s’est tu

Le mystère de ton rire argentin

Enfant hors-chant

 

Six ans déjà

Tu t’es délesté de ta carapace

Corps lourd cœur lourd

Au plus intime de l’insaisissable

Épine griffue dans ta jeune chair

Enfant hors-corps

 

Sur la margelle du puits, main tremblante,

Je “fais jouer” la poulie gémissante,

Remontant à la source, pour raviver

La palette des souvenirs passés.  

 

Aux confins les plus reculés d’aucune terre promise,

A des années-lumière de toute présence humaine,

Tu as déboulé, astre d’or aux mille et une questions,

Echarpe au vent, drôle de petit grand prince,

Déboulonnant les certitudes, déconcertant la solitude,

Car tu savais la cruauté du serpent boa et la fragilité du mouton.

Confiante et rassurante, ta main d’enfant a guidé le crayon.

 

Atterri dans le désert de nos rêves taris,

Pour bousculer nos imaginaires asséchés,

Petit bonhomme, haut comme trois pommes,

Tu as semé ta poudre d’or sur le safran du sable,

Car tu savais la beauté des choses, le prix d’une rose,

La valeur d’un ami – à la mort, à la vie.

Grave et sérieux, ton regard a dessillé nos yeux.

 

Nomade infatigable, errant, itinérant, tu allais

De planète en planète, en quête de l’être des êtres.

Tu n’as croisé que vanité, pouvoir, cupidité,

Néant, absurdité, en guise d’humanité.

Petit Prince, toi, tu règnes sur les cœurs.

Tu veilles sur ta planète, contemples les étoiles.

Absolues, tes interrogations nous mènent à l’essentiel.

 

L’essentiel est ailleurs : dans une boîte de couleurs

La rousseur apprivoisée, le rose idolâtré, l’or et le mordoré,

L’essentiel est au-delà : dans le rire des étoiles, les sanglots des grelots,

Le mystère des larmes et le secret des liens, le sacré du silence après.

 

Six ans déjà, il y a bien soixante-seize ans de cela…

Une plume et des pinceaux amis t’ont fait naître au monde.

D’aucuns hausseront les épaules… Pure fiction…

Une énigmatique apparition, une rose chétive, un mouton…

Allons, allons, remettez votre chapeau, vous n’êtes pas sérieux…

Or, sur la septième planète, peuplée de trop grandes personnes,

La réalité a depuis longtemps dépassé la fiction, voire la science-fiction…

 

Ici, maintenant, enfant, tout va vite, très vite, trop vite,

Un casque de réalité virtuelle et c’est la plongée dans ton univers…

Mais il y a plus que jamais urgence pour les baobabs…

Depuis combien de temps prend-on encore le temps de le perdre?

Apprivoiser, tisser, creuser au fond du cœur les trésors enfouis,

Débusquer l’invisible, déchiffrer le silence, dénombrer l’indéchiffrable?

Apprends-nous à chausser patiemment les lunettes du cœur!

 

A l’heure de reposer nos crayons, ici ou là, ailleurs et au-delà,

Dans un éclat stellaire ou un éblouissement crépusculaire,

Nous cheminons à cœur ouvert, sous la voûte étoilée,

Pieds-nus, sans craindre la morsure des serpents,

Car là-haut, dans son étoile, sentinelle attentive, guetteur fidèle,

Il est un enfant solaire, mélancolique et grave, voyageur solitaire,

Qui a su réenchanter le monde et le faire entrer dans sa ronde.

S.

Partager