« À toi de faire, ma mignonne » est plus qu’une exposition. C’est une aventure dans la tête de quelqu’un. Si au départ, Sophie Calle avait hésité à investir l’hôtel Salé abritant le musée Picasso, elle a su s’affranchir du maître des lieux rapidement, pour nous offrir une véritable rétrospective de sa propre vie, avec simulation de vente aux enchères finale.
L’exposition aurait pu s’appeler « Succession ». « À toi de faire », c’est-à-dire « à toi de jouer maintenant », est plus rieuse, comme tous les travaux que nous offre Sophie Calle depuis des années. Elle embellit notre vision de la vie.
Bien que photographe et écrivaine, Sophie Calle est présentée comme une « artiste littéraire », car c’est à ses textes que s’accrochent photos et installations. Sa démarche est indissociable de sa vie quotidienne, dont elle met en récit la fiction. À chaque projet, elle part d’une question qui lui est posée, ou qu’elle se pose, et y répond en textes et en images, selon un dispositif d’une précision d’entomologiste.
La genèse de l’exposition
Invitée à visiter le musée Picasso pendant le confinement, en vue d’y exposer, c’est avec surprise que Sophie Calle a découvert tous les tableaux recouverts de tentures, cachés des regards. Ce recouvrement des oeuvres constitue la première salle de l’exposition; la peur de la confrontation avec Picasso ayant été résolue par son absence (seul un autoportrait de Picasso, enfant, est visible dans l’escalier menant au premier étage). Et c’est cette absence qui sera interrogée au fil des salles, absence de la vision pour les aveugles, absence des parents décédés, jusqu’à la disparition pure et simple du mobilier et des propres objets de Sophie Calle, au dernier étage. Mis en vente à Drouot, ils représentent le décor de sa vie inventorié dans un savant catalogue. Un simulacre de succession, ou une nouvelle simulation d’un destin possible de Sophie Calle (après sa mort). Comme un ultime clin d’oeil cocasse de l’artiste, le musée Picasso a justement été créé dans le cadre de l’acquittement des droits de succession par sa descendance.
La mort, une question de vie
C’est dans le cimetière de Solinas, dans le nord de la Californie que Sophie Calle prend ses premières photos, à vingt ans. Sur les tombes ne figuraient que les mentions « Mother » « Father », etc. sans porter l’identité des personnes, juste leur statut. Et c’est finalement le statut définissant son identité, le statut qui nous est assigné par les autres et qui nous intime la place que nous occupons, auquel Sophie Calle a consacré toute son oeuvre d’artiste plasticienne.
Comme une rétrospective, une occasion unique de revoir la plupart des oeuvres de Sophie Calle, jusqu’à la surprise finale du dernier étage… Je vous laisse la découvrir.
Danièle Pétrès
« En parlant de soi, on parle aussi des autres ». Sophie Calle