« Quelque part sur les hauteurs », Candice Ruillier

Ce texte a été écrit sur une proposition d’écriture de Valérie Mello à partir de Sugar Street de Jonathan Dee. Il figure parmi les sept textes sélectionnés.

Candice Ruillier

Quelque part sur les hauteurs

Enchanté, Mathieu. Pas certain pour Mathieu. Il y a toujours la question d’un t ou deux. Je pourrais hésiter.

Bonjour, moi c’est Julien. Voilà. Julien c’est sans embrouille. Le genre de prénom qu’on ne retient pas ou alors impossible de savoir de quel Julien on parle. Pour l’âge je peux tricher de quelques années mais faut pas aller plus loin sinon les petits repères vous tuent. Savoir par cœur où on était pour la coupe du monde 98. Après ça roule.

Julien. J’habite sur les hauteurs. Pas mal les hauteurs. Assez flou pour que je balance le nom d’une impasse que personne ne connait.

Je squatte sur les hauteurs. Mieux. Genre digital nomade sur le tard. Ou mec qui n’a plus vraiment besoin de bosser. Ça me laisse le temps d’affiner l’histoire, et puis, quand les gens s’imaginent que je suis blindé ils ne se méfient pas si je ne paie jamais rien, si j’ai un seul tee-shirt ou une barbe de trois jours.

Ouais, j’ai vendu ma boite il y a quelques années, maintenant je voyage. Ça anoblit ma glande quotidienne et pas de question non plus si je repars du jour au lendemain.

Pour le reste j’ai l’habitude. Toujours se baser sur du vrai. Mais en décalant. Un souvenir d’enfance par exemple, à raconter comme si c’était mon neveu en personne qui s’était fait bouffer le doigt par le crabe.

La Bretagne… je connais un peu oui, en vacances seulement.

Allez, bienvenue Julien, on va faire un bout de chemin ensemble toi et moi.

 C.R.

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