Philippe Moron a écrit plusieurs nouvelles dans le cadre des ateliers d’écriture Aleph, de 2020 à 2022, dont « Poursuivre son chantier d’écriture » ou « Lecture diagnostic de manuscrit ». Aujourd’hui, l’un de ces textes est devenu un conte musical qui va être joué à Paris, le 12 février 2023. Nous avons rencontré Philippe Moron, qui nous parle de la genèse de Rapa Nui « conte musical pour narratrice et ensemble instrumental baroque ».
Sylvie Neron-Bancel : Aviez-vous prévu d’écrire un conte musical ? Répondiez-vous à une commande ?
Philippe Moron : En effet, à l’origine de ce travail, il y a une sollicitation de Michel Viktorovitch. Michel, violoniste baroque et membre de l’ensemble les Sauvages depuis bientôt dix ans, a désiré monter un projet inédit. Il m’a donc demandé de rédiger une nouvelle susceptible d’être narrée sous forme d’un conte musical. Pour l’écrire, je me suis inspiré de la pièce radiophonique Rapa Nui de Sophie Berger, et de Le Miroir qui revient d’Alain Robbe-Grillet, ainsi que d’un livre consacré à l’île de Pâques.
L’univers fantastique du texte a orienté Michel Viktorovitch vers des compositeurs anglais, italiens et espagnols de la renaissance et du début du 17ème siècle tels que William Lawes, Giovanni Bassano, John Dowland, Diego Ortiz et bien d’autres, qui m’étaient absolument inconnus.
Le texte a continué d’évoluer, notamment pendant que je suivais le cycle « Nouvelles » avec Hélène Massip, puis, grâce à Faustine Rousselet, la narratrice du spectacle, qui est à la fois comédienne et chanteuse professionnelle.
Quel est l’origine de ce texte ?
À l’origine, il y a la silhouette et l’allure d’une voyageuse appuyée au parapet, bordant le pont supérieur du bateau traversant la mer d’Iroise entre l’île de Sein et Audierne. Sur ce pont ouvert, les passagers, la plupart recroquevillés dans leurs sièges, étaient transis malgré chandails et vestes.
Seule une jeune femme blonde se tenait debout, sans masque (à l’encontre des mesures de protection de la compagnie maritime luttant contre la maladie qui sévissait depuis mars 2020), dans sa robe d’été à damier noir et blanc, indifférente au froid, et aux mouvements de la houle. Pour retrouver son visage et la revoir en pensée, il fallait lui donner une raison de revenir sur l’île. La fiction – je ne le savais pas encore – tenait son personnage principal, son début et son coda.
Que restait-il à imaginer ensuite ?
Restait à imaginer, en même temps que les étapes du récit, la voix intérieure de l’héroïne : une voix humaine – que Faustine incarne avec une grande justesse de ton – et la musique qui permet d’exprimer l’indicible dans sa longue déambulation autour de l’île, réelle ou imaginaire. Restait enfin, au cœur même de l’écriture, à faire entendre le bruissement de la mer et inspirer le sentiment d’un temps suspendu, d’un équilibre naturel fragile qu’un souffle de vent pourrait briser.
Avez-vous fait relire votre texte ?
Je pense que Valérie Kittler, avec qui j’ai suivi Poursuivre son chantier d’écriture, à Lyon est la première personne, en dehors de Michel, à avoir lu des bribes de ce texte. J’ai eu ensuite deux autres lectrices rencontrées dans des ateliers d’écriture à Paris : Aline Angoustures avec qui je travaille sur un recueil de poésie « amoureuse »), et Sophie Berger, réalisatrice de la pièce sonore. Ce texte a été ensuite relu par Pierre Ahnne, pour un « diagnostic » . J’ai tenu compte des commentaires de chacun pour la dernière mouture.
S.N.B
Photographie de violoncelle : courtesy Ensemble baroque Les Sauvages