Pauline Guillerm est venue présenter à la librairie du Québec à Paris son livre « Acadie Ressac » récemment paru chez Lansman Editeur. Robe assortie à la couleur de l’océan mappemonde, baskets de voyageuse aux pieds, elle a joliment bousculé les codes de la lecture publique, donnant à entendre un récit qui raconte l’écriture du livre et différentes histoires autour du texte.
À l’issue des 20′, son livre reste à lire, intact ; elle a en partie répondu aux questions qui pouvaient se former et tout le monde sourit. Pauline a bien voulu nous livrer pour l’Inventoire, un extrait de sa lecture ! Marie-Pascale Lescot.
Lecture autour d’Acadie Ressac: texte de Pauline Guillerm
Mon rêve, c’était d’aller en Acadie, c’était mon rêve, c’est comme ça. L’Acadie, et bien, c’est en face de la Bretagne – même latitude. Et l’Acadie, c’est principalement au Nouveau Brunswick. Et le Nouveau Brunswick, c’est une des provinces maritimes de l’est du Canada. Et ce n’est pas un territoire défini avec des frontières – nulle trace de l’Acadie sur mon globe terrestre. L’Acadie, c’est là où il y a des Acadiennes et des Acadiens. Et les Acadiennes et les Acadiens, en 1755, ont été déportés par les anglais. C’est le Grand Dérangement. Et les Acadiennes et les Acadiens, huit ans plus tard, sont revenus.
L’Acadie, c’était donc un rêve, c’était là. A surgit soudain dans mon esprit, le mot « Arcadie », sans trop savoir ce qu’il signifiait, juste qu’il était un mot de la mythologie, qu’il évoquait un paradis, un paradis terrestre et que contre toute attente, s’il existait, ce serait plus en Grèce qu’au Canada. J’ai tout de même pris mon billet d’avion pour l’ouest et j’ai, comme Magellan, traversé l’Atlantique, avec moins d’audace – on s’entend – et un peu comme Magellan – encore – je me suis vue exploratrice. L’Acadie, un nouveau territoire à arpenter pour moi, un monde en soi. J’ai vite compris que j’avais retrouvé l’Arcadie grecque. Elle était là, à 5 heures de décalage horaire de la Bretagne. Il s’agissait de rouler sur la route acadienne. Kouchibouguac, Neguac, Caraquet, Shippagan, Tracadie Sheila, ne sont-ils pas beaux ces noms de villes qui s’enlignent sur la route n°11 de la péninsule ? Des noms des premiers peuples installés ici, les Mi’kmaq. Toute la poésie acadienne contenue dans ces quelques noms. Et je me suis laissé saisir par les poètes acadiens, ceux-là et celles-là qui lisent et qui lancent leurs mots à qui veut bien les entendre, à qui veut bien les comprendre, parce que l’Acadie, c’est aussi la langue française.
Ça ressemblait à ça : je te parle dans ta langue, tu me parles dans ma langue, découverte de toi en langue maternelle, nos langues se délient (…) même si parfois, nos langues, nos langues s’emmêlent.
Et la Bretagne là-dedans ? Pourquoi, en Acadie, tout me ramenait au petit port breton de mon enfance et plus précisément aux cris que je poussais dans le salon de ma grand-mère – des cris de joie.
Pourquoi partout et tout le temps, ce voyage me rappelait mon adolescence en région parisienne où je ne finissais jamais une conversation sans un « vive la Bretagne » bien senti. Pourquoi ce voyage redessinait les contours de la maison de ma chère tante Marguerite. Chez tante Marguerite, c’était une mine d’or – le berceau de ses origines pour une petite fille qui grandissait loin de la Bretagne. J’ai cherché la réponse dans l’écriture. J’ai écrit Acadie-Ressac. Elle me ressemble ma narratrice, elle n’est pas moi. Elle fait des rencontres, vit des aventures, traversent des tourments de bords de mer, ce ne sont pas les miens. L’écriture réinvente. Et voilà qu’en 35 mouvements s’est formé ce ressac entre Bretagne et Acadie ».
Pauline Guillerm est écrivaine et anime aussi des ateliers d’écriture, notamment à Aleph. Pour en savoir plus, découvrez son site.