Pour cette nuit de la lecture 2022, où nuit et amour étaient deux mots pour donner direction aux imaginaires, 30 participants ont écrit à partir du poème « Alors ce soir » de Cécile Coulon (Noir Volcan, Le Castor Astral). Voici les textes de Marie-Claude Théodas et Kristin Harbert.
Marie-Claude Théodas
Empreinte
Le chemin rira des facéties printanières, noisetiers explosifs.
Mouillé, enserrera les chaussures, livrera le passage du chevreuil.
Neigera gelera. Le paysage confondu de blanc, sans fin, sans limite.
Alors ce soir mon amour je t’écris,
Une petite lettre.
Je voudrais que chaque mot soit pesé, emballé avec soin
Pour les déplier avec toi, dans une infinie douceur
Comme l’étirement de la patte du chat sur le canapé rouge.
Au bout du chemin, la cabane traversée par le vent, le clair de lune, offerte au paysage
Racontera les amours des vagabonds à poil et à plumes
Se taira sur nos rencontres sauvages, laissera le bouleau poursuivre sa course vers le soleil.
Alors ce soir mon amour je t’écris,
Pas une lettre, pas de phrase
Des mots tirés du hasard .
Au gré de tes jours, les aligner, les colorier les couper les rafistoler les chiffonner les respirer
Pour inventer des temps inconnus de nous
Comme un arc en ciel enjamberait nos désirs.
Les pierres rondes, gardiennes du temps ne bougeront pas.
Les pierres rondes, balises de mémoire ne bougeront pas.
Les pierres rondes, alignement humain ne bougeront pas.
Alors ce soir mon amour je t’écris,
Sans aucun mot.
Je te livre mon corps
Promènes-toi
Écris sur ma peau
Pour me dire l’odeur de l’amour, le goût du temps
Comme si c’était la première fois.
Kristin Harbert
Tsunami
Un jour, au bord du monde nouveau,
la crique de mes rêves ne sera plus,
emportée par une vague géante.
Alors ce soir, mon amour, je t’écris
pour t’accrocher pendant le deluge
comme le rocher tient bon sa bernicle.
Les branches des grands pins
ne bruisseront plus dans l’air,
mais feront valser poulpes et poissons.
Alors ce soir, mon amour, je t’écris
pour te dissimuler des tempêtes,
comme la forêt sait cacher un arbre.
Et la plage n’offrira plus de couche
aux amants de passage dans la nuit,
mais un terrain de chasse pour les crabes.
Alors ce soir, mon amour, je t’écris
pour te donner une place dans mes bras,
comme la fleur, pour l’abeille, s’ouvrira.