Pour cette nuit de la lecture 2022, où nuit et amour étaient deux mots pour donner direction aux imaginaires, 30 participants ont écrit à partir du poème « Alors ce soir » de Cécile Coulon (Noir Volcan, Le Castor Astral). Voici les textes de Françoise Favot et Sophia Echkenazi.
Françoise Pavot
Tu verras, ce soir, la longue langue de sable disparaitra sous les vagues de la marée haute, ouvre tes yeux
Tu entendras la tempête, quand elle viendra, demain peut-être, faire grincer les barques oubliées au ponton, ouvre tes oreilles
Dans quelques mois, l’hiver venu, les flots verts se marbreront de noir, ouvre ton âme…
Alors ce soir mon amour je t’écris
Pour te raconter encore, mes jours et mes nuits, toujours, mes brumes et mes frissons,
Comme si tu pouvais les sentir dans ton âme
Le cottage sera blanc de murs et noirs de pluie, sous l’orage du soir, chez moi
Son petit toit de chaume sèchera cet été, résistera-t-il au temps qui passe, encore chez moi…
Petite colline verdoyante et préservée, seras-tu toujours là, dans 10 ans, chez moi, chez nous… ?
Alors ce soir mon amour je t’écris
Pour t’emmener dans les jardins où nous parlions sans fin,
Comme des oiseaux ivres de joie et de soleil
L’encadrement de la fenêtre se teintera d’or et de pourpre, ce soir
Le carreau du haut, déjà si fragile, se fissurera sans doute l’année prochaine
La glycine délavée envahira tout l’espace, dans 20 ans, après moi…
Alors ce soir mon amour je t’écris
Pour oublier ton absence insoluble
Comme si elle n’était qu’une douleur imaginaire qu’un baiser pourrait effacer
Sophia Echkenazi
Alors ce soir °°°
L’horizon si large qu’il avale la côte
Découpe le ciel en deux, en deux bleus intenses
La mer, ciel liquide, scintille d’impatience et s’élance au loin vers lui
Alors ce soir mon amour je t’écris
Car la mer est loin et le ciel et gris
Qu’est-il donc advenu de l’eau claire qui nous berçait ?
Des traînées blanches déchirent l’azur
En un clapotis régulier et doux
Et bousculent la coque du bateau en bois
Alors ce soir mon amour je t’écris
Pour retrouver le doux bruit de ta voix et des vagues
A jamais coincées dans un coquillage
La serviette rêche de sel et de soleil
Protège la peau du cuir brûlant des coussins
Et sèche les larmes salées qui coulent sur tout le corps
Alors ce soir mon amour je t’écris
Comme le vent souffle et soulève l’onde
Et les flots de souvenirs s’abîment sur la grève exsangue de mon cœur desséché.