En réponse à la proposition d’écriture d’Arlette Mondon-Neycensas, vous nous avez envoyé votre lettre d’admiration à l’artiste que vous aimez. Voici le texte de Maly Lagarde-Larrieu à Claude Nougaro.
Fan
Ton premier concert ? J’ai donné mon sang pour avoir la place. Oui. Vraiment. Tu n’étais pas encore connu et ton spectacle était offert en échange d’une piqûre. C’est peut-être ce qui a créé entre nous ce lien de chair. Tu ne l’as jamais su.
« Dansez sur moi ! » Tu étais sur la scène et moi, collée aux baffles, je chaloupais sur tes « vers luisants comme un parquet de Versailles ». Tes rythmes m’arrachaient du sol. Tes mots explosaient en moi comme autant grenades.
Nougaro. Nougarock. Nougayork. De concert en concert, je t’ai suivi. Quoi ? Tu ne te souviens pas de la petite brune en mini-jupe qui balançait, groovait, swinguait à tes pieds ? Non, bien sûr.
Et le soir où je t’avais croisé dans les coulisses d’un chapiteau ? Tu n’avais pas fière allure avec ton écharpe et tes béquilles. Pourtant, un quart d’heure plus tard, sous les projecteurs, après t’être excusé « Je me suis cassé la nougarotule », tu nous embarquais : « Je suis l’amour sorcier ». Rien que pour moi, oui, tu l’étais.
Une nuit pourtant, je t’ai suivi. Quand j’ai poussé la porte du bar, déjà accoudé au comptoir tes yeux fixaient le fond de ton verre. Charme rompu. Tu n’as pas couru derrière la « petite fille en pleurs ». Tu ne m’avais pas vue.
Agen. Des années après. Ton poil de Petit Taureau avait viré au gris. Tu portais des lunettes. Tu répétais. Seul. Voix chaude, tendre, profonde. Je me suis assise. Et je suis restée là. Tu ne chantais que pour moi. Et ne pouvais enfin que me regarder.
Bye-bye Claude.
