En réponse à la proposition d’écriture de Laurence Faure à partir de « Premier Sang » d’Amélie Nothomb, nous avons sélectionné 8 textes parmi ceux échangés sur notre plateforme. Voici celui de Luce Rico.
L’Intruse
Quand je suis arrivée, le parking était déjà presque rempli. Je me suis demandé si je n’étais pas en retard, si j’avais bien lu la date et l’heure. Mais une petite foule attendait sagement devant le bâtiment. Le groupe piétinait le bitume, la plupart se parlait à voix basse.
J’hésitai à m’avancer, doutant de la légitimité de ma présence, quand un maître de cérémonie nous invita à entrer. Je suivis, m’assis au plus près de la sortie. En fond sonore : des chants d’oiseaux. Je trouvai que c’était une très bonne idée les chants d’oiseaux. Il haïssait les chats.
De ma place, je pouvais observer en paix presque tout le monde.
Famille et amis venaient témoigner leur affection. Je les connaissais bien, ils ne me connaissaient pas.
Les photos d’un diaporama affichaient leurs mines réjouies, lors d’événements des plus traditionnels, mariages, pique-niques, barbecues. Leurs apparences enjouées cachaient la réalité de leurs rapports le plus souvent conflictuels, et jamais très affectueux. Mais aujourd’hui ils jouaient pour la dernière fois la comédie des regrets. Un agent fut chargé de lire quelques mots. Du standard. La musique était mal choisie, il détestait le classique, il aurait préféré de la rumba. On pria les endeuillés de venir tapoter le cercueil en guise d’adieu. Je me glissai dans la file. En rejoignant ma place, je croisai les regards de la famille officielle. Et c’est là que je laissai fuser mon rire, énorme, irrépressible.
Un rire féroce, comme il l’aimait.