Cette semaine, Hervé Couton, photographe et grand lecteur, nous fait partager son coup de coeur littéraire: « Love in a fallen city » d’Eileen Chang (Zulma, 2014)
« Qu’il se soit mal comporté envers toi dès le début et en de nombreuses occasions, nous le savons tous. Mais maintenant qu’il est mort, faut-il vraiment te souvenir de tout ça ? […] Bien que tu ne lui aies pas donné d’enfant, avec tous les neveux qu’il a, libre a toi d’en choisir un pour en faire son héritier. Même s’il ne reste pas grand chose de leur fortune, c’est un clan qui compte, on ne vous laissera pas mourir de faim, toi et l’enfant, si tu revenais pour le culte de sa mémoire. »
Ainsi s’exprime le Troisième Monsieur, frère de Pai Lio-su, la sixième sœur, revenue vivre dans sa famille après son divorce. « Love in a fallen city » le récit d’Eileen Chang publie chez Zulma dont l’action se déroule en 1941, nous entraîne au cœur d’une vieille famille conservatrice de Shanghai, ruinée et vivant hors du temps autour de la douairière du clan; les frères et leurs épouses souhaitent se débarrasser de Pai Lio-su, leur sœur et belle sœur, devenue une bouche a nourrir après qu’ils eussent dilapidé sa maigre fortune.
Profitant de l’échec de la tentative d’arrangement du mariage de la septième demoiselle par Madame Hsu, qui lui donne l’avantage malgré elle auprès de Fan Liu-Yang, le riche soupirant occidentalisé, Pai Lio-su va choisir de fuir sa famille pour accompagner Madame Hsu a Hong Kong où elle retrouvera Fan Liu-yang.
C’est alors que l’histoire nous entraine dans un magnifique jeu amoureux où la simplicité, la discrétion, l’honnêteté et la subtilité de Pai Lio-su vont se confronter à l’aisance, la désinvolture, l’intelligence et la culture de Fan Liu-yang dans un Hong Kong émancipé, aux accents occidentaux. Vont s’y côtoyer les représentants d’un monde finissant à l’approche du conflit mondial, aussi marqué par la guerre sino japonaise.
Ce récit d’une grande modernité d’Eileen Chang publié en 1943 a été un véritable succès a sa sortie. Originaire de Shanghai où elle est née en 1920 dans une famille aristocratique, Eileen Chang qui a commencé des études a Hong Kong au début des années 40, aura probablement puisé dans le registre autobiographique pour écrire à 23 ans ce superbe récit. Publié aujourd’hui chez Zulma, il est accompagné d’une nouvelle inédite Ah Hsiao est triste en automne.
« Love in a fallen city » d’Eileen Chang traduit du chinois par Emmanuelle Péchenard. Zulma (2014) 160 p. 16,50 Euros