Nos conseils de lecture, en cette période estivale. Cette semaine, le choix de Delphine Tranier-Brard, directrice pédagogique d’Aleph-Écriture.
Sans cesse repousser le rivage, Maud Santini, éditions Globe (2023)
« En poussant la porte du Samu de Paris j’avais une intuition qu’il me serait possible d’avoir accès à quelque chose de la ville. »
La plupart d’entre nous connaissons le Samu pour y avoir eu recours nous-mêmes ou pour un proche. Nous connaissons le numéro d’appel, les sirènes, les uniformes. Nous avons vu ou entendu les urgentistes poser les premières questions, prendre le pouls, brancarder, acheminer vers l’hôpital le plus proche. Avec le livre de Maud Santini, nous passons derrière les coulisses. Nous vivons les appels du 15, nous vivons avec les équipes dans les camions, dans la rue ou au dernier étage d’un étroit colimaçon dans lequel aucun brancard ne passe. Nous observons avec l’œil d’un urgentiste, nous prenons le pouls de la nuit, de Paris, en observant les grands écrans du QG de la salle de régulation des secours, à Necker. Nous découvrons la structure et l’histoire du Samu et le rapport singulier au cadre et aux protocoles de ses professionnels de terrain.
« Observer Paris par le Samu, c’est avant toute chose faire le choix d’un cadrage qui permet d’entrer dans un envers du décor et d’entrevoir ce qui s’y joue, ce qui s’y fabrique. » Maud Santini
Paris se révèle progressivement à travers la cartographie des secours, qui fluctue selon le moment de la journée, de la semaine, selon la météo, les événements en cours. À l’heure où l’on redécouvre Paris sous l’angle du sport, où la ville s’apprête à accueillir des milliers d’athlètes, d’équipes et de visiteurs, on mesure ce qu’assurer les secours d’un tel événement nécessite de coordination millimétrée. Raconté avec une précision anthropologique, le livre de Maud Santini observe et décrit, sans aucun pathos. Il donne voix aux standardistes, aux médecins, aux personnes secourues comme aux hôpitaux où l’on cherche des lits disponibles.
Il m’a frappée par son ton neutre, respectueux et pudique, à distance de ce qui est raconté tout en nous invitant aux minutes cruciales de tragédies individuelles et collectives. Il m’a aussi tenue par sa progression subtile et souterraine. Quand vous le refermerez, vous ne regarderez peut-être plus Paris, ni les ambulances, avec le même œil. Et comme pour tous les ouvrages publiés par les éditions Globe, vous aurez appris quelque chose au-delà des histoires narrées, et agrandi votre compréhension de la société dans laquelle nous vivons.
Delphine Tranier-Brard
Les prochaines formations de Delphine Tranier-Brard : Pratiquer l’atelier en vue d’en animer, à partir du 14 octobre 2024, et Se former à l’animation d’ateliers d’écriture à partir du 17 janvier 2025.