En réponse à notre appel à écriture, « À table », voici un texte et une photographie de Rose Lynn
La fricassée…
Sur la table en formica de la cuisine, je regarde les mains de ma grand–mère, striées par tant d’épluchures et les travaux de la vigne : vaillantes et calleuses, râpeuses oui, mais qui savent aussi donner des caresses… Sur un grand journal déplié, un lapin, mort, justement mon préféré… Mon grand-père de ses larges mains de laboureur, lui a donné le coup du lapin d’un simple geste efficace. Tandis que je caresse doucement la peau de son ventre blanc, à l’enfant que je suis alors quelque chose échappe, avant de lui dire au-revoir… Puis un coup de couteau précis, fend la panse d’où les entrailles chaudes s‘échappent avec une odeur forte et écœurante…. et pourtant je reste, et observe, fascinée par le grand déshabillage de la peau retournée Seulement les yeux resteront, que mangera le chat De dos dans son tablier fleuri, ma grand-mère est aux fourneaux, c’est dimanche, fera-t-elle un civet ? A présent dans la cocotte en fonte noire, des oignons et des lardons rissolent, embaumant toute la maisonnée. Les morceaux brunissent mais pas trop, un peu d’ail pour corser et puis le bouillon au vin blanc, avec quelques champignons en farandole Ensuite viendra la crème bien épaisse – pour nous faire oublier, comment on passe si vite de vie à trépas– je m’en lèche déjà les doigts… bon cette histoire finit en queue de poisson et en eau de boudin… miam !