En réponse à notre appel à écriture, « À table », voici un texte et une photographie de Fanny Soulard
Pour fêter le déconfinement, j’avais décidé d’inviter Ed et Manu, un couple d’amis bobos parisiens à déjeuner chez moi à la campagne, histoire de les mettre au vert et de les préparer à la transition écologique. Le 11 mai dès potron minet, je me suis mise en cuisine, équipée d’un tablier anti-projections, d’un masque en tissu 3 couches fait main, et d’une toque avec plexiglass intégré. En 55 jours, j’avais eu le temps de réfléchir à un menu de déconfinement approprié : entièrement végétarien, composé de produits frais, bio et de saison, cuisinés avec confiance et bienveillance, et une bonne dose d’humour. En entrée : une soupe d’orties sauvages à la Buzine, des cœurs d’artichauts Véran suivis de têtes d’asperges à la chloroquine et quelques radis Salomon de printemps bien piquants. Ensuite, un confit de Corona sur un lit de blettes à la sauce Raoult, accompagné de nouilles chinoises sautées au gingembre de Wuhan. Et pour finir, une soupe de fraises Tocilizumab. Le tout accompagné d’une bouteille de vin rouge millesimé Remdisivir. J’étais en train de mettre la table en respectant les règles de distanciation sociale entre chaque convive lorsque le téléphone sonna. C’était mes invités qui déclinaient mon invitation à déjeuner : ils avaient vérfié sur Googlemap, ma maison était située en dehors du périmètre de sécurité sanitaire, exactement à 105 kms de la capitale. Vraiment trop risqué. Fin de partie.