En réponse à notre appel à écriture, « À table », voici un texte et une photographie d’Anne Domecq
Elle ouvrit grand sa gueule profonde, lui tordit le nez à 180 degrés puis elle lui referma la mâchoire. Tous ses gestes étaient forts d’un savoir faire ancestral, accomplis avec justesse sans agressivité aucune. Ensuite, elle puisa dans le filet deux beaux spécimens à la peau lustrée et tendue roulées comme un pneu neuf. Elle prit son trident et l’enfonça résolument dans la chair de ces deux innocentes, muettes, résignées. Le sacrifice continua. Elle les coucha sur un autel noir et elles furent offertes au dragon de feu qui les engloutit. Elle plongea sa main experte dans une corbeille et en sortit une drôle de tête qu’elle divisa en plusieurs parties. Elle les déshabilla sans vergogne et les hacha menu. Quelques indices… Des lambeaux de chemises gisaient ça et là. Au bout d’un certain temps, elle sortit ses victimes du four. Méconnaissables ! Aucune identification possible. Leur peau était fripée et leur chair molle. Elle prit son grand coutelas et pourfendit les deux sacrifiées horizontalement sur toute la longueur. Puis elle entreprit un méticuleux travail de récupération de la chair contenue dans ces enveloppes désormais inutiles. Elle les jeta dans un creuset dans lequel elle avait versé une potion étrange de sa fabrication : citron, moutarde,huile d’olive, sel, poivre. Elle ajouta les menus morceaux et mélangea le tout soigneusement. Elle goûta sa mixture. Un sourire radieux illumina le visage de l’a cuisinière qui satisfaite cria : Il est délicieux ce caviar d’aubergines ! Approchez approchez venez donc le goûter. Vous m’en direz des nouvelles ! Avec dans l’ordre d’apparition Le dragon de feu le four Martin Les deux victimes deux aubergines La drôle de tête l’ail La cuisinière Taty Margot.