En réponse à notre appel à écriture, « Le meilleur moment de la journée (The Best Time Of The Day) », voici un texte et une photographie de Franck Vautier
Le meilleur moment de la journée
D’abord les jours ont disparu. Les calendriers de papier qui étaient pendus aux murs sous nos yeux depuis le jour de l’an sont devenus inutiles. Quelle importance d’ailleurs, puisque les seuls journaux qui nous parvenaient encore répétaient à l’infini les mêmes nouvelles du maître des horloges en litanie monotone.
Les heures ont suivi les jours dans le gouffre du temps. Elles sont devenues des minutes puis des secondes puis plus rien. Nous avons cassé nos montres d’or et de diamants. Mû par un ressort fatigué, le temps a ralenti, puis s’est arrêté. Sans repères, nous étions désynchronisés. Seul le soleil nous indiquait que le jour d’aujourd’hui allait de nouveau mourir et renaître. La musique primitive de la faim ou la soif rythmaient nos mouvements. Nous avons espéré que ce mouvement perpétuellement immobile allait durer une éternité. Et chaque soir, comme un hommage rituel au temps qui passe, nous applaudissions un vieil homme qui nous souriait du sommet de l’arbre sec.