En réponse à notre appel à écriture, « La maison farfelue », voici texte et photo de Clairesse
La chariotte
Je l’ai trouvée il y a quelques années en allant dans un petit village pour fureter sur un vide-grenier. J’entrais avec ma mère dans la cour d’une maison jonchée de vieux outils, accessoires ou machines datant des années 50 laissait supposer quelques trésors au milieu de ce bric-à-brac.
Des objets ayant appartenu à des gens âgés conservateurs comme souvent ils le sont, sans grande valeur tant on les retrouve en quantité dans le vide-grenier voisin : vaisselle dépareillée au bord doré, cruches écaillées assorties à la série de plats, vases kitsch, bibelots improbables, lampes à huile et tout le tintouin. Et puis une vieille voiture hors d’âge, digne d’un film de Verneuil, trônait dans le hangar. Des outils en quantité, souvent inconnus mais identifiés par ma mère dès lors qu’il s’agissait d’outils de jardin utilisés par mon grand-père. En réalité, des outils lourds, en métal brut, ayant servi à plusieurs générations sans être abîmés, juste couverts de rouille, qui, s’ils pouvaient parler nous raconteraient bien des évènements familiaux. Au gré de nos déambulations, mes yeux tombent sur une charrette, du moins quatre roues rouillées surmontées d’un plateau.
Je regarde, j’examine cet objet qui me plaît d’emblée, je ne sais pas pourquoi, ou plutôt si, je sais, il me fait penser à mon enfance, à la maison de mes grand-parents, à la charrette tirée par mon grand-père dans laquelle, gamins, nous montions. Du jardin à la maison. De la maison au jardin en passant par le pont construit par mon aïeul. On rigolait comme des baleines, heureux d’être transbahutés, il y avait de la place pour deux, pour trois en se tassant. Il devait la pousser ou la tirer, selon la situation, elle était souvent chargée d’outils et de paniers d’osier qu’il avait fabriqués, remplis de légumes, de tout un fatras de jardinier organisé. Alors j’achetais cette charrette pour deux euros, je la baptisais aussitôt « chariotte », terme qui lui sied parfaitement. Je la conservais intacte, le dessus fait de planches d’origine, vieilles, usées, noircies par les intempéries et le temps, parvint à durer quelques années, puis trop pourri, je dus le refaire avec des chutes de lames de terrasse. Elle a moins de charme ainsi mais garde son côté vintage grâce à ses roues qui peuvent même rouler. Sur l’herbe du jardin, côté nord, elle remplit son office de desserte à plantes, couchette pour chats, reposoir et abreuvoir à oiseaux, et, temple pour land’art quand le cœur nous en dit.