En réponse à notre appel à écriture, « La maison farfelue », voici un texte et une photo de Christine Le Bot
L’équilibriste
Le monde allait si mal qu’il a fini par s’arrêter. Frappée par la brutalité de l’événement, l’équilibriste a d’abord vacillé. Enfermée dans le petit appartement devenu port d’attache, elle se tient en retrait de cette humanité qui chancelle. En équilibre sur une jambe dans la posture de Natarâja, le dieu de la danse, elle réapprend l’équilibre entre les murs et sous les toits.
Autour d’elle, tout participe de sa fragile tentative. Une araignée s’agrippe au fil invisible qu’elle a fait descendre d’une toile bien cachée entre deux poutres. Une plume s’est échappée de l’oreiller douillet et s’accroche au bois sombre de la petite table de nuit. Une goutte d’eau se cramponne ardemment au vieux robinet grippé de la cuisine. Un coin de mur décrépi retient la fine écaille de peinture que lui dispute un souffle de vent. Et voilà qu’une mouche innocente approche et volette bêtement autour de la clé trop mal enfoncée dans la serrure de la porte de l’armoire.