En réponse à notre appel à écriture, « La maison farfelue », voici un texte et un dessin de Balvarine
Cinquième étage, bâtiment B, à la limite des confins de l’appartement, tous les jours, à heures presque régulières, rythmé par la nécessité.
Point de départ à l’angle du chemin de remembrement, sous le panneau circulaire. Les pas s’élancent, cadencés. Le chemin file entre deux champs qui s’étendent l’un vers la plaine du séjour, l’autre vers le creux de la cuisine. Le chemin trace un coude, pour revenir presque sur lui- même, offrant une vue tout autre vers le bureau avant de bifurquer dans la direction des sapins. Les pieds s’élancent dans un mouvement allegro et régulier. Une fois la marche commencée il n’y aura aucune halte avant l’arrivée. Deux kilomètres, c’est peu, mais d’un bon pas, vingt minutes maximum, six kilomètres à l’heure, c’est parti.
Contourner la petite futaie de hêtres devant les baies vitrées, à la lisière ensoleillée de la grande table des repas, puis, de lacet en lacet, entre les chaises et les fauteuils, rejoindre le sentier sinueux qui file plus en profondeur dans la forêt sombre des sapins le long de la bibliothèque du couloir. Imaginer des grumes le long du sentier, au bas des talus, apercevoir quelques stères de bois de chauffe attendant l’hiver, s’enivrer de l’odeur de l’humus. Le corps se met à produire sa propre chaleur, un début de transpiration légère, l’effort porte ses fruits. Ne se laisser happer par aucun des sons qui ramèneraient à la vie vraie, la vie qui va. Peu importe ! Garder le tempo, bientôt la mi-parcours, bientôt la brèche qui signale le début du retour. Retour à travers le couloir, boucle autour de la grande pièce, passage entre la cuisine et le bureau, porte entre le petit couloir et le bureau, et, recommencer. Rester tout du long avec ses images, ses odeurs, sa mémoire. Jusqu’au bout, jusqu’à l’odeur du café prêt qui attend, penser déjà à demain, même heure ou presque.
@Balvarine 2020