En réponse à notre appel à écriture, « L’affût un style de vie », voici un texte et une photo de Michèle Badel.
La Belle aux volets dormants
Chaque matin c’est sur elle que mes fenêtres s’ouvrent : la maison de mon enfance. Toute blanche aux volets clos. Depuis six mois, elle dort.
Du temps de mes parents, elle vivait les yeux grand ouverts : sur l’allée, les hortensias, le potager, les cerisiers, la balançoire et sur les grands pins, là-haut, tout au fond du jardin.
Mais depuis qu’elle a été vidée, détapissée, nettoyée de fond en comble, depuis que les nouveaux occupants sont arrivés de la ville, elle dort. A peine si, le week-end, elle ouvre un œil ou deux. Comme si elle m’attendait et me disait : « Viens, c’est toi que je veux ».
Demain, dès qu’ils seront partis, je chausserai mes bottes de sept lieues et j’enjamberai le mur. Dans le potager, sept nains cesseront leur ouvrage, dans l’allée Petit Poucet jettera ses cailloux blancs et dans la pelouse Blanquette arrêtera de brouter. Grâce à une clé d’or, je pénétrerai dans la maison et j’ouvrirai tous les volets, pour qu’entrent la lumière, le chant des oiseaux et l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. Alors dans mon cœur, tinteront à nouveau tous les grelots de mon enfance.