En réponse à notre appel à écriture, « L’affût un style de vie », voici un texte une photographie d’Amélie Sudrot
Intrus
Depuis ma chambre, j’ai vu son ombre noire apparaître sur le balcon. Il s’est tourné sur lui-même pour vérifier qu’on ne l’avait pas repéré et en quelques mouvements a disparu dans l’angle donnant sur l’autre partie de l’appartement. Par mimétisme, comme si c’était moi l’intruse, j’ai traversé le couloir puis le salon sur la pointe des pieds. A une certaine distance de la fenêtre, je l’examinai, flattée de ce pouvoir soudain, celui d’observer sans être vu, séparés que nous étions par le flou laiteux du rideau. La tête haute, le nez pointu, il semblait hésiter, ne pas savoir exactement ce qu’il était venu chercher ici. Soudain une autre silhouette, grise, ronde, de la taille d’un poing serré d’enfant, atterrit sur la rambarde. Je repoussai le tissu du bout des doigts. Je savais que tous deux percevraient le moindre frémissement de ma part. Chacun, à l’affût des autres, eux en possédant ce sens inné, notre rencontre serait brève, le temps d’une image, d’un clignement d’œil. Je ne gagnais le droit à leur présence que parce qu’ils l’avaient décidé. Mais cela me suffisait bien, ce court instant accordé. Ils s’envolèrent dans un froissement d’ailes et je rabattis le rideau.