En réponse à notre appel à écriture, « Classer / reclasser les livres de ma bibliothèque», voici un texte et une photo de Béatrice Putégnat. Merci à elle !
Je l’effleure des yeux. Ma rétine s’imprègne du satiné de son dos. Il porte une jaquette d’un vert profond.
Tatoué en lettres blanches, son nom. Ou plutôt son titre.
Lu et relu. J’aime le sentir à portée de vue, de toucher.
Ils m’appellent à tour de rôle.
Les livres m’ancrent dans un présent éternel presque enfantin.
Ici et maintenant, je suis en apnée, en apesanteur.
Une farandole dissonante, une tour de Babel en équilibre précaire où tous les langages déploient des histoires dans un joyeux bordel anarchique.
Sans rime ni raison. Je les conserve. Je les entasse. Je les aligne. Je les pile. Un pot de peinture, une barrette, un éventail les encadrent.
Une géométrie variable. Mes amis imaginaires baguenaudent en toute liberté. Inclassables. Rétifs à l’idée de se mettre au pas, de suivre un ordre établi.
Et quand les lumières s’éteignent, que la nuit joue à cache-cache avec les réverbères, je les imagine quittant leur attitude obséquieuse de garde-à-vous pour se dégourdir les pages !
Béatrice Putégnat