En réponse à notre appel à écriture, « Classer / reclasser les livres de ma bibliothèque», voici un texte et une photo de Balvarine. Merci à elle!
Chaque fois c’est la même histoire. J’aperçois un mince espace vide sur une étagère et ce léger tangage des livres qui oscillent de part en part. Une main chapardeuse est encore passée par là ! Jusqu’à présent Céleste était la seule à piocher dans les étagères mais depuis l’été dernier Isis s’y est mise avec une ardeur démesurée, comme pour rattraper toutes ces années sans lecture. Isis, elle au moins, sa lecture terminée retrouve l’espace vide, le lit vacant du livre. Céleste non. Elle agglutine des piles dans sa chambre, pendant des semaines, parfois des mois. Et si, une fois sa lecture accomplie, elle décide, enfin, de rapporter son emprunt, ne sachant évidemment plus où était son chez lui, elle le pose, un peu au hasard, la couverture bien en évidence, face au regard de passage, comme pour dire – Tu vois, je l’ai lu, il est revenu, la preuve est là !
Les rayonnages sont appuyés au mur du couloir qui va de la porte d’entrée jusqu’à l’autre bout de l’appartement. Que j’aille de ma chambre au salon, que j’entre ou que je sorte de chez moi, je longe la bibliothèque et je peux y observer le retour de Rilke qui me fait face, de Kundera après une longue absence. Les poètes sont à hauteur de mes mains, le théâtre est juste à gauche des poètes, juste au-dessus des auteurs allemands, les américains sont un peu plus bas, pas loin des russes. Et là, la littérature française. Certains ont des fréquentations géographiques improbables : les auteurs suédois côtoient les hongrois. C’est ainsi. Isis dit qu’elle n’y comprend rien à mon organisation. C’est le mien, je lui réponds, et moi je m’y retrouve. Enfin, plus tellement ! Mais je n’ai pas le courage de tout recommencer ici. J’attends avec impatience un prochain déménagement, là enfin, je rangerai ma bibliothèque.
@Balvarine 2020