En réponse à notre appel à écriture, «Les trésors enfouis de la maison», un texte de Virginie Legrand.
Elle est là, au fond, sous la première étagère de ce vieux buffet breton. Je l’extirpe d’une toile d’araignée, l’époussette en soufflant dessus. Je savais qu’il en restait une, la dernière, un peu rouillée. Cylindre métallique, bleu, aux écritures jaunes. Je tire sur le ruban métallique qui ferme la boîte. L’opercule se soulève légèrement laissant s’évader l’inénarrable fumet de cochon. Efflorescence de souvenirs : retours de pêche à la crevette de nuit, lampes frontales et waders. Une seule crevette dans le panier, du bouquet. Quatre heures du matin. Il fallait la cuire, c’était la tradition, la peser, la mesurer, consigner dans un cahier dédié, la date, le coefficient de la marée, le lieu de pêche, et les mensurations de notre butin. Des petits grumeaux gélatineux de graisse jaunes laissent entrevoir en transparence le rose nacré de la chair mouchetée de blanc. Je lèche mes doigts, extirpe un triangle fondant de la pointe de mon couteau, quand j’aperçois la date de péremption…