« Ne pas laisser passer le temps d’écrire »
Notre série de propositions « Le temps des maisons », c’est fini (pour l’instant).
Pendant 8 semaines, vous avez été 150 à répondre présent à nos appels à écriture, et à nous offrir l’incroyable diversité de vos univers et de vos talents. Du dessin à la photo, du poème au fragment. À travers ces 400 textes et 400 créations visuelles se lit en creux le portrait inoubliable d’une période que personne n’a encore réussi à nommer. Peut-être fallait-il la dessiner. Peut-être fallait-il pour l’« habiter » l’appréhender par l’écriture ou le dessin pour exister, autrement.
Comme un album d’un temps passé, alors que nous sommes à présent dans un temps de transition, à mi-chemin vers une vie qui peut dépasser le périmètre de nos murs, nous avons aujourd’hui plaisir à relire ces textes qui saisissent les moments fugaces d’une humanité qui s’est figée le temps de 8 semaines. Il s’en dégage une énergie créative peu commune, se saisissant par l’action d’un temps habité de parenthèses. Nous avons revu les oiseaux, redécouvert les arbres et les fleurs, flâné dans les jardins, approché des fruits, contemplé des morceaux d’immeubles ou des parkings vides, des fenêtres éclairées.
8 semaines, 8 temps, des espoirs, des solitudes, des deuils, des fenêtres vers un ici et maintenant, toutes singulières. S’y dessine finalement le portrait d’instants de vie et d’écriture d’un petit groupe d’amateurs de poésie et de maisons qui s’est retrouvé autour des ces propositions pour ne pas laisser passer le temps d’écrire :
1 – « Je compte dessiner une maison avec dedans… »
2 – « Les trésors enfouis de la maison »
3 – « Classer / reclasser les livres de ma bibliothèque »
4 – « L’affût un style de vie… »
5 – « La maison farfelue »
6 – « Et si moi, j’appelais »
7 – « Le meilleur moment de la journée »
8 – « À table »
Cette période nous a prouvé que loin d’être fini, le livre était omniprésent. Les livres ont souvent constitué un des seuls remparts à l’isolement. Un auteur ne peut peut-être pas nous toucher physiquement, mais on entend à travers ses mots, sa voix, qui ne nous met plus à distance. Tout comme échanger des textes et témoigner ou écrire, réduit les distances qui nous séparent. Souvent, vos mails disaient que vous aviez lu, fait lire, les textes des autres après avoir écrit le vôtre.
Impossible maintenant de chercher à dresser un quelconque bilan de ce qu’a révélé ou mis en œuvre cette période de retrait du monde, où notre liberté d’action a été mise à rude épreuve. Ce qu’on peut dire pourtant, c’est que l’énergie peu commune qui se dégage de ces 400 textes reçus et tous publiés dans l’Inventoire forme une sorte d’album à reparcourir, un jour, pour saisir ce temps qui s’est arrêté un 17 mars pendant 2 mois.
Pour terminer, rappelons que la maison n’est pas que le foyer, le repli ou le refuge (elle ne l’est pas toujours d’ailleurs), et pensons aux mots de Gaston Bachelard qui envisage le logement dans son sens large : « Non seulement nos souvenirs mais nos oublis sont « logés », notre inconscient est « logé ». Notre âme est une demeure. En nous souvenant des « maisons », des « chambres », nous apprenons à « demeurer » en nous-mêmes. Les images de la maison marchent dans les deux sens : elles sont en nous autant que nous sommes en elles ».
Toute l’équipe de L’Inventoire et d’Aleph-écriture vous remercie de votre participation qui nous a souvent réchauffé le moral et a contribué largement à instruire notre courage. À tous merci, et bon dé-confinement (dans le calme et la volupté de pouvoir encore choisir de découvrir d’autres pays, même s’il s’agit seulement d’un autre quartier).
Rédactrice en chef de l’Inventoire