« Le chien et moi », Isabelle Vilain

Sur une proposition d’écriture de Sylvette Labat à partir du roman de Pierric Bailly « La Foudre » (P.O.L, 2023).

Isabelle Vilain

Le chien et moi

Je n’ai jamais aimé les chiens. Gamine, j’en avais une peur bleue. Il faut dire qu’à l’époque, ils étaient partout, dans les rues où personne ne les tenait en laisse, dans la cour de la ferme, qui venait me renifler quand j’y entrais, sans défense, armée seulement de mon pot à lait, en aboyant comme un fou ne se taisant et ne reculait que sur l’ordre très effrayant de la fermière.

Aussi lorsque, un soir de nos premières vacances où nous étions tendrement enlacés au somment de la dune du Hoge Blekker après une longue marche sur la plage, mon mari se mit à rêver tout haut : nous devrions prendre un chien, disait-il en entrelaçant ses doigts aux miens, je retins mon souffle, je ne dis rien, en espérant qu’il oublierait rapidement cette idée.

C’était mal le connaître (mais j’ai des excuses, j’étais une toute jeune mariée). Il revint sur le sujet, au début de temps en temps puis de plus en plus souvent, si bien qu’il finit par me convaincre et que j’acceptai de l’accompagner à la S. P. A. au début du printemps suivant.

On nous présenta plusieurs bêtes, des jeunes, des anciens qui avaient besoin d’assistance pour leurs vieux jours, des petits, des grands. Son choix se porta sur un border collie croisé alaskan malamute de six mois. Ses deux yeux bleus l’avaient charmé.

Il l’emmena à la maison, tenta de l’éduquer, voulu le rendre.

Je refusai fermement.

Ce chien m’avait choisie, s’était attaché à moi. Il m’aimait.

Quelques années après, lassé de moi, mon mari est parti.

Pas le chien.

I.V.