« La nouvelle frontière de la non-fiction narrative » par Martino Gozzi (Scuola Holden)

Du 7 au 12 juillet 2019, Charlotte Brès a suivi pour Aleph-Écriture la 3ème édition du Cours européen pour les enseignants d’écriture créative, organisé par l’EACWP (dont Aleph-Écriture est membre), dans un château du XVIe siècle à Alden Biesen (Belgique).

Ces 3 journées de formation ont été organisées sous forme d’atelier en 2 temps : le matin chacun des formateurs donne une « leçon » à partir de leurs approches et expériences de l’enseignement de l’écriture créative.

Charlotte Brès transcrit ici pour L’Inventoire l’approche théorique et pratique de la « non fiction narrative » vue par Martino GOZZI lors de cette conférence-atelier avec les formateurs de l’EACWP.

La nouvelle frontière de la non-fiction narrative :
Martino GOZZI (Scuola Holden / Italie)

Martino Gozzi présente la Scuola Holden, dont la pédagogie vise à surprendre les étudiants pour découvrir et apprendre. Ecole professionnelle, sans professeurs de profession, elle invite des professionnels à partager leurs pratique et leur passion sans donner de leçon. L’objectif est de faciliter la créativité des étudiants. La formation dispensée mélange genres et domaines autour de la façon de raconter des histoires, ou storytelling (cinéma, roman, théâtre…).

Lectures préalables suggérées :

  • Joan DIDION, L’année de la pensée magique (The year of the magic thinking)
  • Emmanuel CARRERE L’Adversaire
  • Helen MACDONALD M pour Mabel  (H is for Hawk)
  • Javier CERCAS Les soldats de Salamine et Anatomie d’un instant

Mario VARGAS LLOSA dit de la fiction que c’est un strip-tease à l’envers : l’écrivain de fiction commence nu, avec ses peurs et le reste, les couvre en ajoutant des voiles si bien qu’à la fin on ne voit plus l’auteur.

On dénonce l’exhibitionnisme ou le voyeurisme de celui qui s’empare de l’histoire d’un autre comme si elle lui appartenait. Selon Emmanuel CARRERE, dans un entretien à la Paris Review, on ne vole rien mais on raconte de son propre point de vue. Dans ce même entretien il expose la méthode de Ludwig BÖRNE « l’art de devenir un écrivain en trois jours » : pendant trois se forcer à écrire, sans hypocrisie, tout ce qui vient à l’idée, sans censure, sans honte, sans contrôle, presque sans poser le stylo.

Atelier 1

  • Martino Gozzi fait au groupe une proposition d’écriture : sans poser le stylo pendant 20 minutes, dans votre propre langue, racontez quelque chose qui vous est arrivé.

Suite à la maladie et au décès d’un ami proche, il a appliqué cette méthode, écrivant deux heures sans discontinuer. Ce qu’il a écrit lors de cette session lui a fait comprendre qu’il se sentait coupable non pas de ne pas avoir sauvé son ami mais de ne pas avoir écrit la lettre qu’il a toujours reporté à plus tard pensant qu’il avait le temps. Il a donc écrit cette lettre, devenue un livre de non-fiction-narrative.

En parcourant avec le groupe les premières pages de L’année de la pensée magique (The year of the magic thinking) de Joan DIDION, Martino Gozzi donne des jalons pour définir ce qu’est la non-fiction narrative : un texte qui évoque des notes antérieures, qui se montre en train de s’écrire, y compris avec un procédé postmoderne en évoquant le fichier Word ; l’auteur est aussi un personnage du livre ; on va deviner ce qui est arrivé sans qu’elle ne le dise directement ; il y a un lien entre une histoire personnel et une catastrophe universelle ;

la non-fiction apparaît comme une conversation entre les faits et les souvenirs. Il s’agit d’un compte-rendu personnel des faits et du monde complexe dans lequel nous vivons : il y a donc une différence entre la vérité et le récit des faits qui repose alors sur la responsabilité de l’auteur, la confiance et l’honnêteté que le lecteur lui prête.

Joan DIDION construit son propre personnage d’écrivain, ajoutant d’autres textes d’elle, en prêtant une attention méticuleuse aux termes employés et à leur signification.

Le lecteur suit une histoire et une argumentation à la fois : les détails du quotidien relaté sont choisis avec soin pour donner des bribes de ce qui est arrivé ; le lecteur devient actif dans la découverte des événements. On pourrait abandonner la lecture de ce livre au milieu, car on sait déjà tout de l’histoire, mais comme le dit Günter GRASS c’est un livre qu’on lit comme on pèle un oignon, en pleurant e t découvrant qu’il n’y a pas de cœur.

Règles pour écrire une non-fiction narrative :

  1. Ayez honte. Sortez de votre zone de confort. Si vous n’avez pas peur, ça ne marche pas.
  2. Faites de vous un personnage même si comme nous tous vous n’en êtes pas un.
  3. Ne faites que connecter. Parfois additionner des pommes et des oranges, ça marche.
  4. Soyez conscients que vous montrez constamment les rouages de votre trame narrative.
  5. Appuyez-vous sur votre arc narratif.
  6. Parlez-nous des endroits dont jamais personne n’a jamais parlé. Proposez un voyage en dehors de nos habitudes.
  7. MG fait au groupe une proposition d’écriture : reprenez votre premier texte en appliquant ses règles. Adressez-vous à quelqu’un que vous aimez, en qui vous avez confiance comme si vous lui écriviez une lettre.

Labos créatifs :

Le groupe 1 a cherché une méthode pour combiner les deux “rivières” où pise la non-fiction narrative, la mémoire et la recherché des faits, le monde intérieur et le monde extérieur pour les explorer tout deux.

Le groupe 2 a formulé des propositions d’écriture (nombreuses) pour lancer des écrivants dans l’écriture d’une non-fiction narrative.

Le groupe 3 a proposé une approche pour impliquer les subconscients dans l’écriture.

Charlotte Brès

Charlotte Brès animera à partir du lundi 9 décembre 2019 au lundi 24 février 2020 le module 2 – S’approprier les techniques de base du récit (présentiel) à Aleph-écriture Paris.

Découvrez les deux autres journées d’enseignements de l’EACWP :

Atelier 2 : La lecture et l’écriture en tant que pratique collective,
Jenny TUNEDAL
(Valand Academy / Suède)

Atelier 3 : Comment donner des commentaires créatifs ?
Daniel BILLIET
(Creatief Schrijven / Belgique)