Si, pendant des années, la figure sacralisée de l’écrivain en France intimidait les auteurs en devenir, aujourd’hui, c’est une affaire entendue : l’écriture ça s’apprend ! C’est pour expérimenter ce merveilleux outil qu’a été créé le nouveau magazine La machine à écrire. Carine Chauffour, Iris Maluski, Agathe Lebelle, ses trois rédactrices en chef ont répondu à nos questions avant sa sortie en kiosque le 1er juillet.
Pour son lancement, La Machine à écrire est partenaire de notre concours de nouvelles 2024.
Danièle Pétrès : Comment vous est venue l’idée de créer un magazine dédié à l’écriture ?
Carine Chauffour, Iris Maluski, Agathe Lebelle : Nous sommes toutes les trois très attachées à l’écrit, et l’avons toujours défendu dans nos différents parcours professionnels. Nous collaborons au magazine respire d’origine anglaise, dans lequel l’écriture créative est très souvent valorisée. Or, en France, lorsqu’on parle d’écriture, il s’agit surtout de publications : quelles sont les grandes plumes, comment faire pour être édité.e ? Pourtant, beaucoup de gens aimeraient écrire mais ne savent pas par où commencer, ou n’osent pas.
Nous voulions accompagner celles et ceux qui souhaitent se lancer, simplement, ou qui aimeraient participer aux ateliers d’écriture mais ne se sentent pas encore prêts à partager leurs écrits. Nous voulions guider leur entrée en écriture et proposer aux plumes plus aguerries des techniques permettant de progresser, d’avoir un cadre. Le format de magazine trimestriel permet une régularité favorable à l’entraînement ainsi qu’une diversité de sujets. C’est un moment que l’on s’accorde, qui correspond à la « mise en écriture ».
Enfin, parler d’écriture dans une époque qui ne jure que par l’image, est pour nous, faire acte de résistance ! Revenir à soi, à l’essentiel, à la simplicité de nos besoins humains, sont des thèmes que nous défendons depuis longtemps au sein de nos différentes rédactions.
Vous êtes trois rédactrices en chef à l’origine de la création de ce magazine, une rareté dans le paysage éditorial en France ! Comment fonctionne le comité de rédaction ?
Nous sommes trois à donner les directions des sujets, c’est une chance de pouvoir travailler comme ça car cela nous permet de réfléchir ensemble, et de nous nourrir mutuellement. Nous proposons ensuite des angles aux différentes contributeurs et contributrices qui vont intervenir régulièrement dans les numéros. Il s’agit vraiment d’un dialogue entre passionnés d’écriture, avec des animateurs et animatrices d’ateliers, des écrivains et écrivaines, des professionnels du monde du livre.
Les femmes s’emparent de cet espace de liberté, et osent prendre cette parole.
Est-ce que les femmes, dans leur rapport à la transmission et leur quête de construction d’un espace de liberté ne sont pas les mieux placées pour parler d’écriture et de développement personnel ?
Il est certain que le lectorat est plutôt féminin. Sans savoir si les femmes sont les mieux placées pour parler d’écriture, nous remarquons qu’elles s’emparent de cet espace de liberté, et osent prendre cette parole. Elles osent se mettre à nu, écouter leurs ressentis. Dans une société en pleine mutation, l’écriture leur permet de « faire communauté ». Nous sommes trois femmes, sensibles, à l’écoute des bruits du monde. Cela influe sans doute sur notre façon d’aborder les sujets. Néanmoins, nous espérons que les hommes se retrouveront aussi dans ce que nous proposons. L’écriture est un espace commun, où nous pouvons dialoguer. L’imagination, le plaisir des mots nous rassemblent tous.
Nous pensons que la rigueur de l’écriture, la mise en place de moments dédiés, le côté répétitif du travail, permet, quoi que nous écrivions, de revenir à quelque chose d’essentiel.
S’agit-il pour ce magazine d’écriture littéraire ou d’écriture pour aller mieux. Ou des deux ?
Les deux ! Nous nous intéressons à l’acte d’écrire, sous des formes différentes : qui sait ce que l’écriture, même lorsqu’il s’agit d’un acte créatif, nous apprend sur nous-mêmes ? Nous pensons aussi que la rigueur de l’écriture, la mise en place de moments dédiés, le côté répétitif du travail, permet, quoi que nous écrivions, de revenir à quelque chose d’essentiel. La création, peut parfois interroger, contrarier (si l’inspiration n’est pas là, ou si le texte ne semble pas à la hauteur des efforts produits), mais nous mettons plutôt en avant le plaisir d’écrire, l’envie d’écrire. Ce n’est pas à visée thérapeutique – il faut des cadres précis pour cela et des professionnels qualifiés- mais plutôt « ré-créative ».
Vous êtes-vous inspirées de magazines anglo-saxons pour la création de La Machine à écrire, alternant conseils d’écriture, exercices, trucs et astuces ?
Oui, de leur état d’esprit surtout ; leur façon de décomplexer l’écriture. L’important est d’écrire et se sentir légitime à le faire, même pour le plaisir. On alterne donc des techniques, des exercices, des jeux, de la grammaire, tout ce qui a trait aux mots, à la langue. On propose d’imaginer, de sentir libre. Pour cela il faut des contraintes car c’est le cadre qui permet de se libérer. Le magazine propose donc des nombreux exercices pour s’entraîner, améliorer un texte et se poser les bonnes questions avant de commencer !
On commence par s’asseoir, donner une position à son corps, on lui offre un espace dédié, une énergie, une concentration. L’écriture permet d’ancrer son corps dans le moment présent.
Le magazine est thématique. Ce premier numéro est sur le thème du corps. Pourquoi ?
L’écriture commence avec le corps ! On écrit avec sa main, c’est un prolongement de l’esprit. Pour nous c’était un bon numéro 1 ! On commence par s’asseoir, donner une position à son corps, on lui offre un espace dédié, une énergie, une concentration. L’écriture permet d’ancrer son corps dans le moment présent.
Nous proposons donc des rituels avant de se lancer, des façons de se reconnecter à son intimité, à ses ressentis. Nous sommes un corps qui pense, qui bouge, qui rit qui aime. Nous avons besoin d’aller chercher ces sensations pour les restituer en écriture. Construire un personnage, lui donner un corps, c’est aussi une base pour la narration. Choisir une thématique par numéro permet d’avoir un fil directeur permettant d’être plus complet, à la fois de manière théorique (interroger le rapport corps/écriture) et technique.
Quel sera le prochain thème ?
Nous allons aborder la nature : les grands espaces, le nature writing, notre côté sauvage aussi !
D.P.
En kiosque le 1er juillet 2024 ! Instagram : @lamachineaecriremagazine