Cette semaine, Hervé Couton, photographe et grand lecteur, nous propose de découvrir son coup de coeur littéraire et de le partager avec nous.
« C’est elle que tu aurais dû prendre. Et pas une brebis stérile comme moi. C’est elle que tu as toujours voulue, pas moi » ainsi s’exprime Unnur avant de mourir, la femme de Bjarni Gislason éleveur de brebis islandais.
« La lettre à Helga » le roman de l’islandais Bergsveinn Birgisson édité chez Zulma est un morceau de littérature pure, aux accents charnels et sauvages à la fois.
Au soir de sa vie, Bjarni, devenu veuf, répond trop tardivement à la lettre de Helga, la seule femme qu’il a aimé d’un amour fou dont l’obsession le poursuit encore.
Dans cette superbe lettre, c’est la grande histoire de sa vie qu’il décrit avec honnêteté, passion et humilité, d’abord l’affection pour sa femme qu’il ne quitta pas même quand elle « renonça à lui sur le plan charnel à cause de sa stérilité » provoquée à la suite d’une opération ratée, puis « la saison des amours de sa vie » qu’il va vivre intensément avec Helga dont les formes généreuses lui rappellent les courbes du paysage qui l’entoure, et qui lui inspire des poèmes:
« Quand elle aimait
les cimes résonnaient.
Elle lavait ses cheveux de soie
dans les sources des montagnes »,
C’est enfin le douloureux renoncement à cet amour brûlant parce qu’il lui paraît impossible de partir vivre à Reykjavik quand Helga le lui demande, convaincu qu’il ne pourra pas « transporter son âme » à la ville où les individus ne sont « pas en prise avec le monde »; lui qui préfère vivre dans son environnement rude mais en contact avec la nature, pour y mener son âpre existence d’éleveur de moutons, et de contrôleur des fourrages.
Cette lettre à Helga, portée par un texte magnifique, est le premier roman écrit par un auteur né en 1971, également pêcheur et éleveur dans le nord ouest de l’Islande. Très grand succès littéraire dans les pays scandinaves et en Allemagne, c’est une véritable déclaration de respect et d’amour à la vie.
Hervé Couton. Avril 2014
La Lettre à Helga, par Bergsveinn Birgisson, trad. de l’islandais par Catherine Eyjolfsson. Zulma (2013), 144 p., 16,50 euros.