Un texte écrit de Gaëlle Lanier, dans le cadre de l’atelier d’écriture « Ecrire l’art, ou mon musée idéal » d’Aleph-Ecriture animé par Françoise Khoury.
La chambre de Van Gogh
Curieusement dans cette chambre, mon regard s’est tout de suite porté sur le petit tableau accroché au-dessus de la tête de lit. Un paysage de campagne avec ce ciel rose. Pourquoi cette tache de couleur m’attirait-elle tant ? À force de m’y concentrer, je m’en suis souvenue.
Avant d’être la chambre de Van Gogh à Arles, ce tableau emblématique que j’avais retrouvé au musée d’Amsterdam, ce décor vide, à dominante bleue, était un puzzle. Un puzzle d’une dizaine de pièces, que j’ai fait et refait, assise sur le parquet de ma chambre quand j’étais enfant. Le rose de ce ciel était toujours mon point d’ancrage, ma balise, et tout se construisait autour. Dans cette chambre vide, Van Gogh a réuni l’essentiel. Un lit étroit, rehaussé d’une couverture rouge, deux chaises en bois, un porte-manteau avec quelques vestes, une petite table de chevet, ce broc bleu et cette cuvette pour une simple toilette.
En regardant ce tableau, je m’aperçois que j’en connais les moindres détails, comme les plis de la serviette blanche avec un liseré rouge accrochée au mur et retenue par un clou à tête ronde ou encore les lignes de la fenêtre entrouverte qui, peut-être, donne sur un champ d’oliviers. Une sensation de calme se dégage, comme celle que je ressentais, enfant, en découvrant cette pièce, morceau par morceau. Je ne connaissais pas Van Gogh. J’aimais retrouver dans la chambre ces deux visages sur le mur, familiers, comme deux amis. Quand j’ai appris plus tard que l’un d’eux était un autoportrait, je m’en suis amusée. N’est-ce pas drôle d’installer son portrait au-dessus de son lit ? N’est-ce pas drôle de se regarder dormir chaque nuit ?
La chambre de Van Gogh à Arles est accrochée dans mon salon depuis des années. La reproduction fait face à mon canapé. J’aime me plonger dans ces couleurs bleues, dans l’étroitesse de cette pièce rehaussée par les lignes serrées du parquet chaleureux où je m’assois en rêvant. Dans le miroir de la chambre, dessiné près de la fenêtre à carreaux noirs, Vincent Van Gogh a dû se regarder plus d’une fois, laissant parfois apparaître ses idées sombres. J’aime aussi aller m’y plonger en me disant que le temps passe, mais que cette chambre bleue me ramène, toujours, à cette enfant assise et concentrée, en train de construire son puzzle.
Gaëlle Lanier