Pierre Ahnne est écrivain et a créé un blog littéraire sur lequel il partage chaque semaine ses lectures. Il réalise également des retours sur les manuscrits qui lui sont confiés par Aleph-Écriture dans le cadre des lectures-diagnostics. Il partage régulièrement certains de ses articles sur L’Inventoire.
Horcynus Orca, Stefano D’Arrigo, traduit de l’italien par Monique Baccelli et Antonio Werli (Le Nouvel Attila)
Voici un monstre. D’abord par ses dimensions : 1 355 pages imprimées serré, sans compter la postface de l’éditeur et la notice biographique (indispensables), ni les (inévitables) remerciements. Jadis, on aurait imprimé plusieurs tomes.
Ce colosse est hors norme aussi par sa conception et son histoire. Né, en 1919, dans un village de pêcheurs, sur la rive sicilienne du détroit de Messine, Stefano D’Arrigo, après des études de lettres, s’installe à Rome, pratique la critique d’art et publie des poèmes. Dans les années 1950-1960, il fait paraître, en revue, des extraits de ce qui deviendra l’œuvre de sa vie. Trois éditeurs se disputent aussitôt les droits de l’ensemble. Mondadori l’emporte. D’Arrigo demande quinze jours pour relire le texte, lesquels deviendront quinze ans, et aboutiront à ce que Pasolini, un des admirateurs du livre avec Primo Levi, désignera comme « 1 257 pages de poésie pure ». Paru en 1975, l’ouvrage sera plusieurs fois réédité. Le voilà pour la première fois en français, grâce à deux traducteurs qui méritent tous les hommages, tant pour la beauté de leur texte que pour l’ampleur de leur travail.