Hélène Massip est auteur de nouvelles, de poèmes et de haïkus. Après Au bout du compte in Quelles nouvelles ? (Éditions La passe du vent, 2004) et L’affiloir des Silences en 2016 (Jacques André Éditeur, collection Poésie XXI), Hélène Massip a récemment édité « Sec et Léger suivi de La vitesse de l’arbre », chez BoD.
Pour ce recueil où la prose et la poésie se mêlent, Hélène Massip a opté pour l’auto-édition et nous indique ici pourquoi. Elle nous parle de ce parcours et du processus de fabrication. Hélène Massip animera le stage NOUVELLES 1ère année à distance, du 29 Janvier au 08 Mai 2022 (à découvrir ici).
L’Inventoire : Vous êtes retournée dans la maison familiale de votre enfance, en Ardèche et avez écrit ce recueil à partir de ce lieu de mémoire. Qu’est-ce qui déclenche l’écriture d’un poème ou d’un texte en prose ? Un objet, une fenêtre, un personnage qui resurgit dans une pièce ?
Hélène Massip : Je garde en mémoire le souvenir précis de certains endroits dans les maisons où j’ai vécu pendant mon enfance, pièces, escaliers, espaces de transition, jardins. Une atmosphère, des couleurs, des objets, un moment de l’année.
Écrire permet d’entrer dans le souvenir, dans la trace mémorielle d’un instant, d’y retrouver ce qui est toujours vif aujourd’hui, une part de ce qui me constitue.
Pour les textes présents dans ce recueil, j’ai d’abord écrit à partir de la fenêtre de ma chambre, cette vue, cette ouverture sur les arbres, et cette pièce intime où j’ai joué, grandi, étudié. Puis j’ai décidé, à partir de ce premier texte, de faire une exploration complète, pièce par pièce, de toute la maison. Cela permet de croiser ceux qui habitent ou ont habité là, et aussi de laisser remonter des souvenirs sans se préoccuper de la chronologie : les plus vifs, pas forcément ceux qui émergent en premier, mais ceux qui portent un peu du sens de ma trajectoire personnelle. Je n’ai pas écrit sur place. J’ai aussi pris des photos, d’objets, de tableaux que j’ai pu ainsi questionner à distance : introduire un décalage, déplacer, c’est un début d’écriture.
Il est question de lieu de mémoire, d’annonces de la mort de proches, de trajectoires déviées dans ce recueil, le poème viendrait-il redonner voix, corps, souffle à ceux dont le souvenir s’efface ?
Non, les textes sur la mort dans ce recueil ne sont pas là pour rappeler le souvenir de proches. D’ailleurs, on ne comprend pas toujours, à la lecture du poème, de qui je parle, qui est mort.
Il ne s’agit pas de nommer, saluer, rendre hommage, perpétuer la mémoire, non : l’annonce de la mort d’un proche est un coup de poing géant. Il s’agit plutôt de rendre perceptible, dans la sobriété, les traces de l’impact. La secousse qui ébranle jusqu’au fondement de soi.
La nature est très présente dans ce recueil. Elle est joyeuse, vive. Vous la guettez, vous la contemplez, vous la saisissez, vous l’attendez, comment arrivez-vous à capter les émotions qui vous traversent et à le dire d’une façon aussi simple et merveilleuse?
J’ai grandi dans un village d’Ardèche, passé tous mes étés chez mes grands-parents dans un hameau dans le Parc National des Cévennes. Oui, la nature, je la cherche, maintenant que je vis en ville. Que dire de plus, c’est très organique, il n’y a pas de séparation.
Vous avez vous même ensuite composé et publié votre recueil sur BoD, est-ce que cette expérience a été positive? Qu’est-ce qui vous a paru compliqué à mettre en oeuvre?
J’ai d’abord envoyé une première version du manuscrit à plusieurs éditeurs de poésie traditionnels.
Ça n’a pas fonctionné. J’ai alors repris l’ensemble du recueil. Je l’ai confié à quelques relecteurs de confiance à même de me faire des retours pertinents en vue d’une publication. J’ai simplifié la composition en supprimant une série de textes en lien avec des œuvres d’art, qui font maintenant l’objet d’un autre projet. J’ai revu l’ordre des textes dans la deuxième partie, La vitesse de l’arbre.
Books on Demand, BoD, est une plateforme d’édition sur Internet. Je l’ai choisie parce qu’elle référence bien les livres. On peut les commander en ligne ou les faire commander par son libraire préféré.
J’ai rencontré quelques difficultés techniques pour la mise en page, j’ai tenté de faire au plus près des règles de l’art, en utilisant les modèles fournis. J’ai choisi une de mes photos pour la couverture.
Oui, cette expérience est positive : j’ai pu aller au bout de mon projet, le livre existe et peut être partagé.
Je n’ai pas travaillé seule (merci encore à celles et ceux avec qui j’ai pu échanger avant d’établir la version définitive). La bagarre avec les logiciels n’a pas été inintéressante : c’est un jeu, un peu agaçant, parfois, quand on ne dispose pas des outils informatiques les plus adaptés pour l’édition, mais on peut déjà faire beaucoup. J’ai travaillé pendant quelques années dans le domaine de la documentation technique, comme traductrice : je n’étais pas chargée de la mise en page des documents et manuels, mais j’ai été amenée à utiliser ponctuellement des logiciels d’édition, j’ai une petite expérience qui m’a servie ici. Une de mes difficultés a été de prendre du recul pour que la mise en page ne se transforme pas en un continuel re-travail du texte.
Est–ce que vous pouvez nous dire quelques mots sur les ateliers Poésie du quotidien, que vous animez régulièrement ?
Pour chaque atelier, je choisis les textes d’un poète, dans un ou plusieurs de ses recueils. On lit, quand on peut, on écoute. On entend aussi parfois d’autres poètes : ceux qui l’ont influencé, qui lui ont ouvert des possibles d’écriture, ou qu’il a traduit, qui sont en écho avec lui. Puis on écrit en prenant appui sur des propositions imaginées à partir de son univers, de son usage de la langue, ou d’un de ses procédés d’écriture.
Chaque séance dure 2 heures. Je choisirai aussi des auteurs publiés par des « petites » maisons d’édition que j’aime, qui font un travail exceptionnel.
Propos recueillis Sylvie Neron-Bancel
Extrait de La Vitesse de l’Arbre
j’ouvre la porte du frigo
je suis frappée par la beauté d’une poire
jaune, penchée, tige épaisse en contraste brun sur
la peau jaune fine, un peu écorchée
quelque chose en nous a changé
un travail de la lumière du grand nord
l’immensité des forêts
la marche délicate des rennes
quelque chose s’est déplacé
Le prochain stage d’Hélène Massip
à partir du 29 Janvier 2022 au 8 Mai 2022 à distance