Glisser dans le temps, à rebours, c’est ce que permet l’écriture d’un carnet de voyage. Françoise Khoury vous propose de mettre en œuvre une écriture du témoignage, où l’évocation poétique traduit une expérience sensible pour en faire resurgir la mémoire en constituant un carnet.
L’Inventoire: Apprend-t-on à rédiger un carnet de voyage dans cet atelier ?
Françoise Khoury: Si on voulait donner une image à cet atelier « récit de voyage/carnet de voyage » on utiliserait la métaphore de la cartographie.
Imaginez que vous étalez la carte du monde sur votre table : vous allez partir en voyage ou vous venez d’en revenir. Vous avez accumulé du matériau, des souvenirs ou des notes, pour raconter le chemin qui a été parcouru sur cette carte.
Contempler une carte géographique c’est déjà rêver.
Ce voyage n’est pas forcément à l’autre bout du monde, il peut aussi être à 30 km de votre lieu de résidence, l’idée est qu’on s’est déplacé.
Le voyage c’est se déplacer dans le sens littéral du terme, c’est-à-dire arriver à une autre place ?
Oui, changer de place, cela induit forcément d’autres perspectives ; on n’a plus les mêmes repères, il arrive qu’on ne comprenne pas la langue. Notre façon de voyager nous révèle. En même temps, à notre époque hyper connectée, on se perd moins facilement ! On va retrouver dans toutes les villes les mêmes chaînes de fast-food et tout le monde parle globish. Malgré cela, le voyage reste une découverte si on a l’esprit curieux et qu’on cherche à parler aux gens des pays qu’on visite. On en rapporte des sensations, émerveillées ou décevantes. Cet atelier sera l’occasion d’écrire toutes ces émotions et il suivra les différents points d’arrêt de ce parcours.
De quels livres vous êtes-vous inspirés pour construire cet atelier ?
Le dépaysement de Jean Christophe Bailly, Le Journal Sicilien d’Édith de la Héronnière, ou encore L’atlas des îles abandonnées, entre autres..
Avez-vous l’objectif de faire aboutir le groupe de participants à un ensemble de textes ?
Oui, je pense que même si le carnet de voyage a une forme d’écriture fragmentaire, l’idée de cet atelier est de rendre cohérent un ensemble d’impressions et de réflexions et pour cela de s’appuyer sur des techniques de dramatisation.
Qu’est-ce qui vous plait dans le voyage ?
Je n’ai pas la bougeotte du voyage, je ne voyage pas si souvent mais lorsque je décide de partir je me prépare mentalement et cette préparation est un plaisir qui fait partie du voyage à venir. Ce qui me plaît c’est un étirement du temps. C’est ça que j’aime dans le voyage, et dans l’écriture aussi.
Quand j’écris je suis en dehors du temps. D’ailleurs je marche énormément quand je voyage ; la marche induit une lenteur qui nous fait voir les choses de façon à ce qu’on ait le temps de les goûter, de s’arrêter.
Un voyage qui vous a marquée récemment ?
Le Kurdistan irakien où je suis allée il y a trois ans. C’était un voyage bref mais intense parce que j’ai eu de nombreuses conversations avec les habitants et cela m’a permis de comprendre certains enjeux politiques. J’aime l’idée d’aller se rendre compte par soi-même pour se faire une opinion. C’est d’ailleurs la particularité du récit de voyage, il est au croisement de l’histoire, la géographie et la littérature ; entre documentaire et fiction.
Est-ce qu’un atelier est un voyage ? Que veux dire voyage étymologiquement ?
Cela vient de « via » : voie. C’est comme un atelier d’écriture, on est en quête de sa voie et de sa « voix ».
C’est un voyage qui se fera en combien d’étapes ?
En 8 escales. Étalées sur huit jours. Un voyage en somme !
Propos recueillis par D. Pétrès
Françoise Khoury est journaliste et photographe, auteur notamment de « Échafaudage », recueil de textes et de photographies (Adam Biro, 2010). Elle anime régulièrement des ateliers d’écriture où elle explore les relations entre photographie, écriture, et territoires.