« Ce qui m’a poussé à faire de la photographie, c’était un désir d’être moi-même torero ou danseur, d’être dans le spectacle. C’est par le truchement de l’appareil photographique que je me suis introduit, au fond, dans ce spectacle … en allant dans les coulisses et en photographiant les acteurs. » Lucien Clergue
Jusqu’au 15 février 2016, le Grand Palais rend hommage au photographe Lucien Clergue, fondateur du festival international de la photographie Les Rencontres d’Arles. Cette exposition présente les trois premiers thèmes abordés par l’artiste alors qu’il n’a que 20 ans : la ville d’Arles, le nu et le langage des sables. Sept magnifiques albums de planches-contacts tout droit sortis de son atelier.
Par Marie-Hélène Mas
Tendres et vraies, morbides et poétiques, sensuelles et vibrantes… telles sont les premières photos de Lucien Clergue. Et c’est sans aucun doute ce qui séduit Picasso en 1953, et plus tard Jean Cocteau. De ces rencontres naissent une vraie collaboration, une longue amitié.
La première série de photos parle d’Arles, sa ville natale, ses maisons en ruine après les bombardements de 1944, ses enfants saltimbanques, ses gitans et sa corrida. Tour à tour réaliste, décalé, touchant ou cru, son jeune regard de photographe est déjà très affûté. Ces charognes luisantes et désarticulées, échouées sur la plage des Saintes-Maries-de-la-Mer, nous intriguent. Ces portraits de toreros et de taureaux baignés de sueur, de sable et de sang nous questionnent, nous choquent. Son regard bienveillant sur une communauté gitane festive et libre nous émeut.
Toutes parlent de son enfance bombardée, de son adolescence solitaire dans une France brisée qui essaie malgré tout de revivre.
Dans un coin aménagé, un banc et une télévision. Sous l’impulsion de Cocteau, Clergue tourne plusieurs films sur la corrida. Pour cet arlésien pure souche, pas de polémique, le court-métrage Le drame du taureau est un hommage aux acteurs du spectacle : le torero, son public mais surtout, le taureau mis à mort !
La deuxième série de photos raconte la sensualité d’un corps dans les vagues. Pas de visage, juste un nu intemporel, une peau ruisselante qui scintille sous le soleil de Camargue, un peu d’écume sur une hanche alanguie, quelques gouttes sur un sein plantureux, …
La volupté des poses, la générosité des courbes, l’énergie du mouvement n’est qu’un vibrant écho au corps maigre et maladif d’une mère qu’il a soigné, lavé, nourrit jusqu’à sa mort en 52.
La troisième série occupe un mur de plusieurs dizaines de mètres : le langage des sables. Peut-être est-ce de la poésie ? Tel un promeneur solitaire en quête de rêverie, nous suivons les empreintes en Y d’une mouette baladeuse, la rondeur d’un galet caressé par le reflux, des craquelures dans le sable comme autant de cicatrices, des algues séchées qui forment un visage clownesque, des courbes, des stries, des reflets… tout est graphique, lumineux, vrai.
Alors qu’est-ce qu’un album photo ? Avec Lucien Clergue, cela devient un livre ouvert sur la vie, la mort, la joie, l’enfance, les rêveries et les douleurs, la sensualité aussi … un livre qui parle de son auteur autant qu’il résonne chez le spectateur !
Marie-Hélène Mas
Mais comment la photo peut conduire à l’écriture ? Quels chemins de traverse doit-on emprunter ? Quelles relations ? Quelles articulations possibles entre ces 2 médias ?
Alain André, directeur pédagogique d’Aleph-écriture, et la photographe indépendante Marie Monteiro proposent quelques pistes de réponses lors d’un stage à La Rochelle. Plus d’informations, ici.
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Sources :
Lucien Clergue se raconte – Modèle nu de Lucien Clergue, Wally Bourdet raconte – Lucien Clergue : l’homme des Rencontres – Dans l’atelier avec Anne Clergue – Lucien Clergue : genèse de son œuvre – Youtube