Valentine Gay a créé les éditions Globe, dédiées à la découverte d’écrivains du monde entier, en 2013. Dans la lignée du « new journalism » américain, incarné par Hunter S. Thompson, Tom Wolfe, Norman Mailer, Joan Didion, la fondatrice aime les livres où se rencontrent l’information, la littérature et une bonne histoire.
De ces auteurs américains, elle dit « Tous ont essayé de faire une sorte de chronique, à la fois d’eux-mêmes, et de l’Amérique ». Le catalogue de la maison d’édition en porte l’écho contemporain à travers ses parutions. Nomadland de Jessica Bruder, ou le monumental Les Frères Lehman, de Stefano Massini, traitent tous deux des conséquences de la crise des subprimes de 2008 aux États-Unis. Retraités ruinés ayant dû se résoudre à vivre dans leur mobilhome ou leur voiture, ou élégie de la dynastie des Lehman ; ces deux livres retracent en creux, l’histoire d’une fracture sociale née d’une économie dont finalement personne n’est maître.
« La bonne littérature sert notamment à faire passer de l’information d’un monde dans un autre ». Raymond Carver
Ces deux récits captivants empruntent à l’écriture journalistique dans le cas de Nomadland (dont l’adaptation cinématographique a reçu 3 oscars), ou à une forme poétique très moderne (en 30 000 vers), lorsqu’elle se confronte à la chute de la maison Lehman.
Investiguer des sujets dont on sait finalement peu de choses, c’est là tout l’intérêt d’une littérature à cheval entre l’essai et la biographie ; nous offrir, au-delà d’une bonne histoire, les éléments de son contexte pour éclairer notre époque. Raymond Carver ne disait-il pas que « la bonne littérature sert notamment à faire passer de l’information d’un monde dans un autre » ? (Les Feux, Éditions de l’Olivier, 1991).
Valentine Gay parle d’un besoin de repères dans une période où tout change très vite, elle a la conviction que « la littérature peut aider chacun d’un point de vue existentiel à essayer de comprendre qui il est, à un instant T ». Elle aime cette dimension du livre qui est « de ne pas juste vous apprendre quelque chose, mais aussi de vous aider à vivre ».
La maison d’édition s’ouvre aujourd’hui au domaine français, où elle a fait une entrée fracassante avec le livre d’Anthony Passeron, Les Enfants endormis, lauréat, notamment, du prix Wepler 2013. Dès qu’elle en avait reçu le manuscrit, Valentine Gay avait été immédiatement séduite par l’histoire. Patricia Duez, conseillère éditoriale, avait aussi aimé « ce projet complexe de double narration avec, d’une part, l’expérience d’un malade et, en parallèle, l’évolution de la recherche scientifique ». Le cadre rural dans lequel se déroule ce récit en fait d’ailleurs un des premiers livres sur la façon dont les patients et leur famille ont vécu le SIDA en France dans les années 80-90, dont on n’a encore que très peu de témoignages – une histoire taboue, aujourd’hui encore.
Si la maison Globe publie des livres à cheval entre l’essai, la biographie et la littérature, elle s’autorise aussi à publier des manuscrits plus autobiographiques, puisqu’à travers La Trilogie de Copenhague de Tove Litlevsen, s’incarne aussi le parcours d’une vie dans une langue poétique.
En nouant un partenariat avec Aleph-Écriture à l’occasion de la formation « Littérature du réel, finaliser son manuscrit », les éditions Globe confirment leur désir de développer le domaine français autour de la « non-fiction littéraire », en contribuant à faire réfléchir sur ce genre encore peu développé en France.
Globe est ouverte sur le monde et le récit d’expériences humaines, pour éclairer la perception de l’époque dans laquelle nous vivons. Elle remplit ainsi un vide dans le paysage éditorial français; en publiant une littérature nécessaire autour de chemins existentiels singuliers.