Écrire un carnet de voyage avec Françoise Khoury : « Partager une expérience »

Glisser dans le temps, à rebours, c’est ce que permet l’écriture d’un carnet de voyage. Du 31 mai au 2 novembre 2021, en 8 séances, Françoise Khoury vous propose de mettre en œuvre une écriture du témoignage, où l’évocation poétique traduit une expérience sensible pour en faire resurgir la mémoire en constituant un carnet.

L’Inventoire: L’atelier « Carnets et récits de voyage » débutera le 31 mai par mail, quelle approche du voyage avez-vous choisie ?

Françoise Khoury : Quel que soit le genre ou la forme, les enjeux de l’écriture sont les mêmes : avoir été traversé et bouleversé pour pouvoir restituer quelque chose de partageable.

La particularité du voyageur est qu’il est très sollicité par ce qui l’entoure et comme une éponge il absorbe tout ; après, de retour, il s’agit d’essorer cette éponge et d’observer de quoi sont faites ces gouttes et comment les agencer. Opérer des rajouts aussi, et là, une dimension imaginaire rentre en jeu.

La particularité du voyageur est qu’il est très sollicité par ce qui l’entoure et comme une éponge il absorbe tout

Vous parlez d’une « écriture du témoignage », un carnet est-il le « ça a été » comme la photo l’est pour Barthes ?

Savoir et découverte sont liés et les premiers voyageurs inventoriaient leurs découvertes qu’elles soient ethnographiques, géographiques, botanistes ou autres. Le XXème siècle a vu l’esprit du voyage se transformer plutôt vers une quête initiatique et personnelle. Mais on voit apparaître à nouveau une pratique d’enquête avec une soif de connaître le monde mais d’un autre point de vue, qui ne soit pas exhaustif ou surplombant et qui laisse une place au doute et à la relativité. Un point de vue qui souvent témoigne des fragilités de l’homme et son environnement. C’est ainsi d’ailleurs que se définissait Nicolas Bouvier : un témoin.

De quels livres vous êtes-vous inspirés pour construire cet atelier ?

Je m’appuie sur des auteurs qui ne sont pas estampillés « écrivains-voyageurs », des auteurs ayant beaucoup voyagé (Jean-Christophe Bailly, Edith de la Héronnière, Pierre Gascar) et dont les textes m’ont éclairée sur la différence d’état d’esprit entre «être étranger » et « être touriste » ; ce dernier est encombrant, tandis que l’étranger accepte de se laisser traverser par les choses du monde, les rencontres, se met en situation d’interroger le monde. Il cherche un « ailleurs ».

Appréhender le voyage non seulement comme un espace géographique mais aussi mental.

Que vont aboutir les participants dans ce stage à l’issue du parcours ? Un carnet ? plusieurs ? avec des photos, des documents ? Un ensemble de textes ?

Cet atelier se concentre sur l’ordonnancement des notes du carnet prises pendant le voyage. S’il y a des images ou objets, leur mise en page sera accessoirement abordée. L’atelier s’intitule « Carnets et récits de voyage » et chacun, en fonction de ses affinités, composera un récit linéaire ou une écriture fragmentaire agrémentée d’objets visuels. Appréhender le voyage non seulement comme un espace géographique mais aussi mental.

Écrire un carnet de voyage permet-il de mieux l’apprécier ?

Peut-être que le fait d’écrire permet de redoubler les sensations. Les notes, photos ou dessins, petits objets, n’iront pas rejoindre la malle des souvenirs de voyage car en écrivant, le voyage passé sera amplifié et prendra une place particulière dans la mémoire. Et sera partagé aussi avec les autres. Nous avons tous subi au moins une fois dans notre vie ces fameuses séances organisées par des amis ou proches qui veulent nous raconter leur voyage et nous voilà contraints de voir défiler des milliers de photos durant toute une soirée. Je crois que d’apprendre à être parcimonieux, faire des choix, prendre le temps de sélectionner les images, les notes, anecdotes pour les mettre en forme, est le meilleur moyen de partager une expérience.

Quel sera votre prochain voyage après le voyage immobile que nous avons tous connu cette année ?

Et qui n’est pas encore tout à fait clos. En attendant je compte m’aventurer jusqu’aux confins de la Seine-et-Marne, que j’aime, pour en explorer tous ses petits chemins et ruisseaux.

L’Inventoire

Françoise Khoury est journaliste et photographe, auteur notamment de « Échafaudage », recueil de textes et de photographies (Adam Biro, 2010).

Elle anime régulièrement des ateliers d’écriture.

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